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 Le manoir des quatre tours (roman)

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reginelle

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MessageSujet: Le manoir des quatre tours (roman)   Le manoir des quatre tours (roman) Icon_minitimeDim 9 Sep - 15:37

Chapitre 01 : Les bûchers de Spott.

Le manoir des quatre tours (roman) Unicor10


Le manoir des quatre tours (roman) L210a frêle silhouette traversait les champs fraîchement retournés, trottinant sur les larges sillons de noire terre grasse. Aussi résolue et véloce qu’une intrépide souris, elle s’éloignait des landes incultes alors que, devant elle, se dressait une haute muraille d’arbres dont les denses frondaisons crénelées se nimbaient fugacement de pourpre et d’or.

Tout près, un long cri lacéra le silence.

La jeune femme s’immobilisa un instant, oreilles tendues. Un loup ! Ce n’était qu’un loup qui hurlait à la lune rose.

Elle se remit en marche, sans accélérer davantage l’allure tant elle était persuadée que nul mal ne pouvait lui advenir de ce farouche et indompté compagnon à quatre pattes.

Enveloppée d’une ample cape brune au capuchon soigneusement rabattu sur ses cheveux de nuit, elle avançait d’un pas assuré, ombre dans l’ombre mouvante des nuages qui glissaient silencieusement, très haut au-dessus d’elle, telle une escorte vigilante.

Tête baissée, elle allait, les mains délicates jointes contre la poitrine, uniquement soucieuse de ne pas relâcher l’étreinte de ses doigts autour d’une bourse au cuir usagé, la maintenant sans cesse au contact de son corps.

Si bien concentrée sur cette tâche qu’elle faillit buter sur une énorme roche moussue couchée au pied d’un buisson.

La Pierre de la Sorcière ! Ce qui signifiait qu’elle était aux portes de Spott. Dangereusement proche d’ailleurs, si elle se fiait aux lueurs qui dansaient entre terre et ciel, plus nettes, plus fortes.

Une longue trentaine de miles la séparaient encore de Dunbar. Si elle ne pouvait se permettre de perdre du temps, il n’était pas question pour autant de s’aventurer à traverser Spott, de risquer d’être surprise par ses habitants, d’être livrée à leur folie. Elle devait contourner le village.

Elle regarda autour d’elle, lentement, scrutant le moindre repli du terrain, étudiant posément le meilleur itinéraire possible.

Sur sa gauche, les berges dégagées de la rivière lui promettaient une progression facile, mais la feraient également vulnérable, pour trop de clarté lunaire intensifiée par le miroir des eaux calmes, pour ne lui offrir aucun abri où se réfugier si nécessaire.

À sa droite, le dôme dénudé de Brunt Hill émergeait d’une collerette boisée ourlée de fougères géantes.

Un fouillis végétal inextricable, le refuge des peuples du dessous et du dessus, et, pensa-t-elle, animant d’un sourire ses lèvres pâles, nul individu, à des lieues à la ronde, suffisamment audacieux pour se hasarder, après le crépuscule, sur ce sol supposé creusé d’une multitude de galeries aussi actives et grouillantes que d’immenses termitières dans lesquelles s’affairerait l’espiègle petit peuple des lutins.

Mieux encore, entre la colline et les premières masures, du haut de ses neuf pieds, le massif menhir de Easter Broumhouse pointait de sa tête ocre les frileuses étoiles. Contexte fort appréciable pour qui avait bien plus à redouter de ses frères humains que des Brownies, hôtes familiers de ces vieilles pierres levées et que beaucoup médisaient ombrageux et irascibles.

Il était temps de reprendre la route. Celles qui l’attendaient, à Dunbar, patienteront quoi qu’il leur en coûtât mais elle n’avait pas le droit de mettre leur vie en péril par de trop longs atermoiements.

Le cercle des Ombre se resserrait, elle les sentait ! Si proches ! Tellement ! Bien sûr, elle s’était montrée discrète, et prudente ! Mais elle avait si peu d’expérience ! Elle se savait si mal armée pour mener à bien cette importante mission.

Elle secoua la tête, repoussant ces craintes importunes et, affermissant sa prise autour de l’aumônière de cuir élimé, elle se hâta vers la sécurisante obscurité du sous-bois.

Quiconque eût suivi la progression de l’inquiète fugitive aurait pu jurer, sans mentir, que les hautes feuilles lui ouvraient la voie avec complaisance. Qu’elles défaisaient à son approche leurs nœuds de dentelle pour les retisser aussitôt derrière elle. Que l’herbe ne se couchait pas sous ses pieds rapides, qu’aucune brindille n’était assez sournoise pour craquer sous son poids léger.

Et si cet observateur eût été vraiment attentif, il aurait pu surprendre une larme, une seule, limpide diamant de l’eau la plus pure, perler sur la courbe des cils noirs, glisser sur l’albâtre diaphane d’une joue, et hésiter sur le doux arrondi d’un menton avant de se réfugier dans un rude repli d’épaisse étoffe brune.

Et aussi l’autant étrange qu’impalpable halo iridescent qui jaillissait fortuitement d’entre les pans indiscrets d’une cape soumise aux caprices d’un vent mutin.

Mais la nuit était déserte, et Spott fut rapidement distancé. Entre deux buissons dansa un éclat d’argent, puis d’autres, moirure morcelée aux rides du courant. La rivière glissait silencieuse et sereine, à quelques foulées seulement.

Ne la rejoignant pas ainsi qu’elle l’avait prévu, la jeune femme redoubla d’attention. Elle scrutait désespérément la berge à la recherche du ponton écroulé.

À moins que, pour avoir marché trop longtemps à couvert, elle ne l’ait dépassé.

Non… Elle reconnaissait le coude familier que faisait, ici, la Spott Burn.
Elle se rapprocha de la rive, trois, deux mètres, et elle distingua enfin sur l’onde scintillante une avancée sombre et déchiquetée. Un pas encore et elle sentit ployer sous elle les planches vermoulues.

Et elle la vit.

Le manoir des quatre tours (roman) Barque10

Une barque courte et étroite, si basse que ses bords n’étaient qu’à quelques pouces au-dessus de l’eau glaciale. Et trop loin ! La corde d’amarrage était trop longue !

Ses doigts étaient douloureux contre sa poitrine, esclaves épuisés d’une vigilance sans faille. Et là, maintenant, comment ramener l’esquif vers elle sans faire appel à eux ?

D’un brusque mouvement de tête elle rejeta la capuche en arrière, et, protégeant son trésor secret d’une main, entreprit de se défaire de sa pèlerine de l’autre.

Habilement, elle la fit glisser de ses épaules, desserra son corselet et ouvrit sa chemise.

Elle plaqua tendrement entre ses seins menus le petit paquet et réajusta son corsage au plus serré, tirant fortement sur les lacets, jusqu’à presque incruster dans sa chair les reliefs durs d’un objet mystérieux même pour elle.

Talons fermement fichés dans la terre molle et humide, elle agrippa rageusement la corde de chanvre alourdie d’un excès d’eau. Dents serrées, elle tira de toutes ses forces, s'écorchant les paumes aux fibres grossières, ramenant la petite embarcation à elle. Enfin à sa portée, elle ramassa son large manteau, l’y jeta avec adresse, et embarqua avec prudence.

Posées sur le fond plat, elle trouva deux rames. Elle prit le temps de s’envelopper de la chaude protection de sa cape, et s’arc-bouta sur les avirons.

Elle gagna habilement le milieu du cours d’eau jusqu’à se sentir happée par le courant.

Désormais, elle n’avait qu’à se laisser porter, veillant seulement à ne pas approcher de trop les bords. Presque hors de portée.

Seulement quelques heures, et Dunbar dressera devant elle les ruines de son château.

Où la Licorne attendait.

Elle pensa à Marion Lillie, et à toutes celles qui, pauvres esprits égarés, avaient joué avec des forces qui les dépassaient. Se prétendant ce qu’elles n’étaient pas ou bien captives de l’Axe Noir .

Coupables surtout d’avoir attiré sur des innocentes les foudres d’une meute enragée.

Trois en ce triste cinq octobre 1705… Trois de trop… Sans doute pas les dernières.

Deux autres jeunes et belles existences avaient également été sacrifiées pour protéger ce qui meurtrissait sa peau.

Combien encore ? La sienne aussi peut-être.

Frissonnante, elle jeta un dernier regard derrière elle.

Au loin, les flammes étaient toujours hautes.

Les bûchers brûlaient bien ce soir à Spott.

Elle hoqueta sous les soudaines serres froides qui refermèrent brutalement un étau de glace sur sa poitrine, qui assaillirent sa gorge.
Yeux écarquillés d’effroi, elle vit des nuées d’étincelles bleutées émaner de sa bouche ouverte, de sa peau, de tout son être, des cristaux de givre, impalpables, qui flottèrent comme irrésolus, avant de former une longue et fine flèche d’argent luisant qui s’élança droit vers l’infini de l’espace.

Et les étoiles disparurent dans un ciel d’un noir subitement opaque, linceul jeté sur la terre, funeste écrin pour un rubis de feu.
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MessageSujet: Re: Le manoir des quatre tours (roman)   Le manoir des quatre tours (roman) Icon_minitimeDim 9 Sep - 16:05

Chapitre 02 : La licorne de Dunbar

Le manoir des quatre tours (roman) Licorn10


Le manoir des quatre tours (roman) A210u milieu même de la Spott Burn, la barque étroite glissait, docile aux vaguelettes qui la poussaient. Elle emportait son fardeau endormi, désormais vulnérable aux premières lueurs de l’aube qui délayaient impitoyablement la sécurisante protection des ombres nocturnes.

La tête posée sur l’épaule, nuque ployée et douloureuse de trop d’inconfort, la jeune femme gisait, jambes repliées sous elle et mains ouvertes autour de la rugosité des rames rustiques.

Le capuchon, à demi rejeté, dévoilait un fragile profil aux traits tirés jusque dans le sommeil. Plus pâle encore sous le noir de jais des mèches en bataille échappées des mailles d’une sage résille.

Le col desserré de la cape laissait entrevoir la finesse du cou, la douceur de la gorge, que ne pouvait ternir une vilaine meurtrissure d’un bleu violacé.

Mais l’aube s’étalait à son aise, ranimait bêtes et hommes. Les trilles d’un oiseau écorchèrent le silence, un chien aboya au loin, et des voix humaines glissèrent sur l’onde, amenées par la brise matinale. La vie des heures claires reprenait doucement ses droits.

Une chatoyante lueur rose s’éleva d’entre les pans entrouverts de la pèlerine de la jeune femme assoupie.

Aussitôt, des lambeaux de brume effilochée s’élevèrent des flots cristallins, s’ordonnèrent en un épais cocon autour de la légère embarcation, tandis que, contrainte par une force invisible, cette dernière obliquait vers la gauche, se rapprochant de la rive jusqu’à effleurer une haie de roseaux, et s’arrêter, habilement retenue par les branches pendantes d’un saule.

Et là, comme par jeu, du plus profond du lit de la rivière, jaillirent des dizaines de traits aux écailles d’argent qui, espiègles, éclaboussèrent de mille gouttelettes la silhouette immobile.

Qui tressaillit sous l’humide assaut, remua un peu, et s’éveilla enfin. Et alors que des doigts fébriles se portaient aussitôt sur une poitrine pour s’assurer de la présence de la petite bourse, deux grands yeux gris s’ouvrirent au clair-obscur de rideaux feuillus.

Les sens immédiatement en alerte, la jeune femme se redressa vivement, faisant osciller dangereusement la petite barque et malmenant ses membres ankylosés. Ce qui l’incita très vite à se mouvoir avec davantage de modération.

Après avoir bien observé autour d’elle, elle s’assit de nouveau, le temps de reprendre souffle et de faire le point sur sa situation.

Pour se laver des miasmes d’une nuit de mauvais repos, elle plongea ses mains en coupe dans l’onde claire, projeta l’eau ainsi recueillie sur son visage, et elle plissa le nez sous l’étrange odeur iodée qui en émanait. Elle passa sa langue sur ses lèvres, goûtant l’amertume, surprise de lui reconnaître des saveurs marines. Et elle sourit, réalisant brusquement que cela signifiait que la mer était très proche, bien assez pour opposer et mêler ses flots à ceux de la Spott Burn.

Mieux encore, à en juger par le sens du courant, elle se trouvait du bon côté, sans plus aucun obstacle devant Dunbar.

Rassérénée, elle mit un peu d’ordre dans sa tenue, réajusta son corsage. Elle observa quelques secondes l’ecchymose qui bleuissait la naissance de sa gorge, l’effleura délicatement, étonnée de ne ressentir aucune douleur.

Mais il sera temps de s’en soucier plus tard. Dans l’immédiat, l’important était de se remettre en route, d’atteindre la côte et de la suivre jusqu’à Dunbar.

Elle marchait depuis deux longues heures lorsque, parvenue au sommet d’un talus, les lueurs plombées de la Mer du Nord s’offrirent à son regard.

Elle frissonna d’espoir, toute droite dans cette lumière froide d’avant l’orage, sous laquelle chaque chose - ombre, feuille, chemin, le moindre caillou - semblait ciselée, prenait un plein relief ; par laquelle les couleurs, étrangement, s’intensifiaient ainsi qu’étoffes mouillées. Le vert tendre de la luzerne devenait sombre émeraude tandis que les ocres des roches affleurantes viraient taches de rouille.

Et, tout au loin, sur les vagues d’argent terni, l’écume qui les ourlait n’était plus que cendres éparses.

L’air fleurait la tempête. Mais ainsi, lourd et menaçant, le ciel devenait complice. Qu’une ondée s’abatte, qu’elle refoule hommes et bêtes à l’abri de leurs demeures, de leurs tanières, et la voie serait libre pour celle qui se rêvait invisible durant la dernière étape de son voyage.

Comme si répondant à cette ardente attente, quelques gouttes claquèrent entre bruyère et rocaille, tirs de semonce d’une armada céleste de noirs et pesants vaisseaux chargés à ras bord d’éclairs, de foudre et de grêle.

Et alors que les premières bordées tonnaient à en ébranler les nues, la jeune femme s’engagea sur une sente qui sinuait tout droit vers ce qui demeurait de l’austère silhouette du Castel de Dunbar.

Elle parcourut sans encombre la lande déserte, atteignit la côte. Dressée sur la pointe des pieds, défiant vent et embruns, elle prit quelques secondes pour bien se situer. La tour s’élevait sur sa gauche, dominant l’effrayant rocher des gorgones. Et son cœur s’emballa. C’était bien la clarté rassurante d’un feu qui dansait à une centaine de mètres devant elle, exactement là où elle l’espérait.

Quelques minutes encore, un dernier effort, celui d’oublier la profonde terreur que lui avaient toujours inspiré ces monstres pétrifiés, ces faces déformées par la rage, la peur, la douleur, cet amoncellement de corps entremêlés, figés pour l’éternité, rejetés ou sculptés par les caprices des Dieux marins.

Le manoir des quatre tours (roman) Dunbar10

Au-delà se trouvait le salut !

Elle avança, tremblante, et dut réunir tout son courage pour poser un pied sur le premier gnome de pierre torturée. Mais ce fut avec une folle détermination qu’elle escalada ces horreurs grimaçantes.

La joie, l’espérance, la portaient, la poussaient. Et elle courut, malgré l’eau glacée qui alourdissait ses jupons, sa jupe, mordait ses chevilles. Retenant tout appel joyeux qui aurait pu alerter un esprit malveillant.

Et enfin : la grotte, trois silhouettes assises autour d’une claire flambée, trois têtes qui se tournèrent vers elle, à l’unisson, et un cri, un prénom, lancé d’une seule voix…

- Silvine !

Elle s’écroula entre les bras tendus, passa des uns aux autres, mille fois étreinte, embrassée, cajolée, rendant caresse pour caresse, baiser pour baiser.

Et encore…

- Tu es là ! Tu as réussi !

Très vite ce fut à qui la déferait de ses vêtements mouillés et sales, et elle n’eut que le temps de se saisir de la petite aumônière de cuir.

- C’est ça ? Demanda Elina.
- C’est dedans, répondit Silvine.
- Tu l’as touché ? S’inquiéta Nitia.
- Non, la rassura Silvine. Je sais que nul ne le doit.
- Tu l’as vu ? Interrogea Orlane.
- Non, je ne l’ai pas vu. Seulement ressenti. Là… ajouta-t-elle en ouvrant son corsage.

Les trois jeunes filles détaillèrent avec une curiosité mêlée de tendresse l’étrange meurtrissure entre les seins de leur amie.

- C’est douloureux ? S’enquirent-elles dans un ensemble parfait.
- Non, pas du tout, leur assura Silvine, souriante.
- C’est bizarre, murmura Elina, cela semble phosphorescent.
- Et avec une forme bien particulière, ovale et en même temps… on dirait des ailes qui tiennent un œuf, décrivit Nitia.
- Je suis certaine que, lorsque l’hématome aura disparu, ce sera très beau, assura Orlane.

Silvine hocha la tête, en signe d’assentiment, tout en observant la marque sur sa poitrine, pensive.

- Il y a plus extraordinaire encore, confia-t-elle doucement.
- Quoi donc ? Articulèrent six lèvres roses.
- Hé bien, j’ai une curieuse impression… le sentiment de… de savoir. Moi, la novice ignorante, j’ai l’intuition profonde de la connaissance. D’avoir assimilé en quelques heures, sans même en être consciente, surtout sans effort, ce qui demande des années d’études. C’est embrouillé, mon esprit est confus, comme s’il se trouvait submergé d’acquis non encore classifiés, ordonnés. Mais je sens que tout est là ! En moi !
- Ô ! Formèrent trois bouches arrondies.
- Oui, et cela m’effraie un peu avoua Silvine.

Elina et Nitia prirent chacune une main de Silvine et de Orlane formant ainsi un cercle clos.

- Plus fortes nous serons et moins nous risquerons, affirma Elina.
- Si ce que tu penses est vrai, ce n’en est que mieux déclara Nitia.
- Nous aurons besoin de toutes nos forces pour mener notre tâche à bien, et si ce…talisman ? t’en a transmis autant que tu le dis, il ne pouvait choisir être plus digne que toi. Conclut Orlane.

Des larmes brillèrent fugitivement aux cils de Silvine, émue.

- Merci mes douces amies. Dès demain nous nous mettrons en route. Il reste encore le plus important : mettre en sûreté cette bourse.
- Où ? Interrogèrent les voix jumelles.
- Ce qu’elle contient nous guidera.
- Et ensuite ? Reprirent-elles.
- Ensuite ? Nous devrons chercher et trouver le lieu qui nous attend. Là où nous élèverons le Manoir aux quatre tours.
- Un Manoir ? S’écrièrent-elles, joyeuses.
- Oui ! Du moins c’est l’image que j’en ai reçue. Mais pour l’heure, je crois qu’il serait sage de prendre un peu de repos. Un long périple route nous attend.
- Tu as bien raison, acquiescèrent-elles.

Et ce fut soudain à qui frotterait sa peau de satin pour en ranimer la chaleur, à qui peignerait ses longs cheveux de nuit jusqu’à leur rendre souplesse et luisant, à qui masserait ses chevilles alourdies de fatigue.

Au crépuscule elles bavardaient encore, grignotant pain bis et fromage de chèvre, mais la nuit les trouva assoupies, blotties les unes contre les autres.

Au plus profond de leur sommeil, une silhouette blanche aux longues jambes fuselées et à la crinière de neige se matérialisa à l’entrée de la douillette caverne. Qui se tint un instant immobile, naseaux frémissants, à l’écoute des respirations tranquilles avant d’avancer au plus près des dormeuses. La fière apparition les observa un instant, les caressant affectueusement de son doux regard doré avant de pencher son front chevalin jusqu’à effleurer de sa corne d’ivoire la chair tendre et tiède d’une gorge humaine.

Puis elle se détourna, racla légèrement de son sabot d’argent le sable qui recouvrait le sol, et disparut aussi silencieusement qu’elle avait surgi tandis que des fils de ténèbres se tissaient en un rideau opaque, dissimulant l’accès d’un asile trop vulnérable aux yeux du monde des vivants.

D’entre les doigts noués de Silvine s’échappa alors une impalpable clarté qui enveloppa d’un palpitant halo d’or pâle les corps apaisés dans la douce chaleur de flammes qui, pas un instant, ne faiblirent.

Elles dormaient, à l’abri, au seuil d’une autre vie.
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MessageSujet: Re: Le manoir des quatre tours (roman)   Le manoir des quatre tours (roman) Icon_minitimeMar 11 Sep - 11:57

Bob j'ai lu... me suis régalée de tout....
dis moi, cela fait un recueil de nouvelles tout cela?
alien
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reginelle

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MessageSujet: Re: Le manoir des quatre tours (roman)   Le manoir des quatre tours (roman) Icon_minitimeMar 11 Sep - 15:54

Non, ma Feuilllle...
Le manoir des quatre tours est un roman complet.
Je vais bientôt ajouter le troisième chapître... J'ai enfin retrouvé le fichier de l'alphabet...
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MessageSujet: Chapitre 03 : Le château de Dalhousie   Le manoir des quatre tours (roman) Icon_minitimeVen 14 Sep - 16:46

Chapitre 03 : Le château de Dalhousie

Le manoir des quatre tours (roman) 01ecos10


Le manoir des quatre tours (roman) D210ans l’azur pommelé de blanc, un faucon glissa sur l’air immobile, lacérant le silence de son cri rauque.

Sous le ciel malmené, une carriole grossièrement bâchée cahotait sur la sente pierreuse au rythme nonchalant de deux bœufs efflanqués, unique point mouvant sur le canevas froissé de champs et de landes qui étalait ses verts et ses roux jusques aux contreforts des mauves collines.

Les mains retenant mollement les rênes distendues, le regard affûté, toute concentration, Silvine scrutait l’horizon tandis que, sagement installées derrière elle, ses trois amies consultaient un parchemin jauni.

- Dalhousie se cache, marmonna Elina !
- Et cette carte ne nous est d’aucune aide, rien alentour ne ressemble à ce qui y est tracé, souligna Nitia dépitée.
- À mon avis, cette ligne-ci représente pourtant la rivière que nous longeons depuis l’aube, assura Orlane en suivant d’un ongle rond des courbes d’encre délavée. Et ces monts sur notre dextre sont certainement ceux qui sont dessinés là. Le château est indiqué, ici, entre les deux, donc…
- Nous devrions déjà au moins voir sa tour, insista Nitia alors que Elina ajoutait « Ce qui n’est pas le cas ! »

Silvine n’entendait rien des mots prudemment chuchotés pour ne pas troubler le profond et pesant silence alentour.

Une douloureuse oppression s’imposait à ses sens en éveil. Des rares boqueteaux qui rompaient la monotonie de la lande sur sa droite lui semblait sourdre une invisible menace alors que sur sa poitrine irradiait une brûlure de glace.

- Dalhousie est là, mais nous ne pouvons le voir ! Nous arrivons trop tard pour rejoindre ceux qui nous y attendent. Le cercle des Ombre se resserre en ces lieux, il a déjà posé le siège. Murmura la jeune femme d’une voix assourdie de tristesse.
- En es-tu certaine ? S’alarma Orlane.
- Hélas ! Les Moggles sont là, embusqués, ils guettent ! Si ce n’était la folle énergie que déploie notre talisman pour nous maintenir invisibles à leurs yeux morts, ils seraient déjà sur nous.
- Qu’allons-nous faire ? S’enquit calmement Nitia.
- Nous devons avancer encore. Au moins jusqu’au prochain coude de la rivière, la traverser et reprendre la route en direction du Mur d’Hadrien.
- Mais… et pour le…

Elina n’avait pas fini sa phrase qu’un cri strident leur fit lever la tête.

Le corps effilé du faucon fendait l’air, était déjà sur elles, les clouant de son œil rond, le bec tendu. Avant qu’une seule d’elles ait pu esquisser un geste, les serres habiles du rapace glissèrent sous le menton levé de Silvine, frôlèrent son cou gracile et se saisirent du fin cordonnet de soie, l’arrachant sans effort de son tendre asile de chair.

Devant leurs regards médusés, l’oiseau, d’un gracieux coup d’aile, repartit à l’assaut de l’azur, emportant dans son sillage la précieuse petite bourse de cuir.

Mais alors qu’il était encore en pleine ascension, d’entre les branches emmêlées d’un bosquet voisin, s’élancèrent deux silhouettes difformes aux moignons armés de lames aiguisées.

Muettes d’horreur, Nitia, Elina et Orlane se dressèrent, le cœur étreint d’impuissance devant cette chasse cruelle, tandis que Silvine levait les bras au ciel, tendait les mains. Et de ses doigts effilés jaillirent deux flèches d’argent qui trouèrent l'éther, filèrent plus vite que sa pensée jusqu’à traverser les corps des deux prédateurs. Qui se volatilisèrent aussitôt.

D’autres Moggles, dix, vingt, cent, prirent leur essor, tel un sinistre envol de noirs corbeaux, et Silvine tourna ses paumes vers les cieux. Et de nouveau des cristaux de givre se formèrent, s’ordonnèrent en des traits pareils à des carreaux d’arbalète. Dix, vingt, cent… qui fusèrent, chacun à la poursuite de sa cible. Sans dévier d’un pouce. Infaillibles.

Là-haut, très haut, si haut déjà, l’enfant du vent osa une pirouette, pied de nez joyeux à un ennemi défait, effacé, puis décrivit un cercle parfait, juste au-dessus des quatre visages levés vers lui. Enfin, dans un chant qui résonna dans l’espace tel un hymne victorieux, il piqua vers l’horizon, guidé par un appel perceptible pour lui seul, tout droit vers un poing ganté de cuir.

Le manoir des quatre tours (roman) 02_bmp10

Durant quelques secondes, la silhouette d’un homme sembla flotter entre les quatre jeunes femmes et le castel de Dalhousie enfin visible.

Et puis, ainsi qu’un mirage se dissipe, les pierres roses se diluèrent dans l’air léger, emportant avec elles toute trace de vie humaine et restituant le sol aux chardons et aux bruyères.

- Doux Jésus ! Quel charmement est-ce là ? Comment… mais comment as-tu fait… ça ? Questionnait déjà Orlane.
- Je ne sais pas, murmura Silvine visiblement épuisée.
- Nous verrons cela plus tard, intervinrent Nitia et Elina.
- Le plus urgent est de nous éloigner de ces lieux, conseilla Orlane qui s’exclama aussitôt : Mais… en fait, n’est-ce point là, la fin de notre mission ?

Elles se tenaient, immobiles et silencieuses, laissant ces quelques mots cheminer dans leur conscient jusqu’à y imprimer leur évidence, que, émanant d’un espace soudain assombri, du sol étrangement asséché et craquelé, des eaux mêmes de la rivière brusquement boueuse et tourmentée, une plainte lugubre enfla autour d’elles.

Alors que, saisies d’effroi, ses compagnes se terraient à l’arrière, Silvine donna du fouet aux placides bovins, les incitant à se remettre en mouvement.

À peine les roues s’animaient-elles qu’un vent violent se leva, déracinant buissons et arbustes en autant de projectiles qu’il lançait rageusement sur une fragile carriole noyée dans des tourbillons de terre et de pierres.

Vaillamment les bœufs s’ébranlèrent pesamment, tirant sur leurs harnais de cuir dont les lanières, tendues à craquer, entaillèrent les paumes crispées de Silvine.

- Dessinez une étoile à cinq branches, hurla-t-elle dans le mugissement d’une atmosphère irrespirable. Vite… tracez une étoile !
- Comment ? Où ? Demandèrent ses amies, affolées.
- Pour l’amour du ciel ! Tracez-la à même les planches et formez un cercle autour d’elle. Hâtez-vous ! Invoquez les forces de la nature ! Feu ! Air ! Eau ! Terre ! Appelez-les ! Le temps presse !

Derrière elle montait déjà le parfum âcre des chandelles de suif alors que des voix récitaient « Esprit du feu, par ce bois que nous t’apportons, que ta flamme repousse au loin les ténèbres… Esprit de l´air, par ces soupirs qui nous animent, que ton souffle apaise la tempête… Esprit de l’Eau, par ces larmes que nous versons, que tes vagues lavent l’espace de toute haine… Esprit de la Terre, par cette prière que nous t’adressons, que tes voies nous mènent vers la sécurité ! »

- Non… non… tout ceci n’est qu’illusion ! Rien n’est réel ! S’écria soudain Silvine dans un rire étranglé. Combien nous nous savons vulnérables pour nous laisser prendre à de tels simulacres !
- Un simulacre ? Mais…
- Regardez les bêtes ! Elles ne sont en rien effrayées ! Nous avons vaincu les Moggles et ces manifestions de violence ne sont que les derniers soubresauts de l’esprit du cercle des Ombre. Qui est sans doute trop éloigné pour nous atteindre vraiment, ou bien est-ce le talisman qui veille encore sur nous !
- Alors… murmura Orlane…
- Alors, reprit doucement Silvine, nous sommes sauves ! Nous pouvons traverser en paix ce cours d’eau et reprendre la route en direction du Mur d’Hadrien.
- Mais nous sommes à quelques heures seulement d’Edimbourg s’exclama Nitia !
- Oui, mais notre but est désormais Carlisle et ensuite…
- En Angleterre ! S’écrièrent les trois jeunes filles !
- Ceci est folie, souligna Elina ! Nous n’y serons point bienvenues. Les Anglais…
- Anglais, Ecossais ! Cela n’aura bientôt plus aucun sens. Il ne s’en faut désormais que de quelques mois pour qu’un traité les unisse. Anne Stuart y veille !
- D’où te vient cette certitude ? Interrogea Orlane visiblement perplexe.
- Je le sais… c’est tout ! Cela se produira dans très peu de temps. Deux ans encore et… la Grande-Bretagne sera réalité. Allons… la nuit approche, nous ne pouvons nous attarder ici.
- Silvine… Murmura Elina..
- Oui, mon amie… C’est l’Angleterre qui nous attend, Carlisle et ensuite Liverpool… et plus loin encore… Ceci n’est que le début de notre quête. Allons, va, rassure-toi et vous, prenez un peu de repos. Les heures à venir seront rudes.

Le cœur serré, la jeune femme se détourna de ses compagnes, reprit fermement les brides en mains et activa un peu l’allure du paisible attelage.

Quelques notes fragiles s’échappèrent alors de sa gorge, s’ordonnèrent en une mélodie étrange et inconnue, berceuse ancestrale. Autour d’elle les contours des roches, des bosquets, des landes se diluaient, devinrent brume.

Ciel et terre s’unissaient davantage à chaque pas tranquille des robustes bœufs alors qu’une torpeur lourde s’emparait d’elle.

Sentant le sommeil la gagner elle s’efforça de lutter, de garder les yeux ouverts. Elle se tournait pour alerter, pour éveiller l’une des dormeuses lorsque son corps s’affaissa. Vaincue, elle sombra dans l’inconscience.

Dans la lande obscure, le chariot glissait sur un chemin balisé d’étoiles.
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