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 Train perdu... train du passé...

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reginelle

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Féminin
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MessageSujet: Train perdu... train du passé...   Train perdu... train du passé... Icon_minitimeSam 8 Déc - 5:56

train perdu...

C’était en fin d’année 1971… Des retrouvailles inattendues. Dans un bar, le Monaco, sur le Vieux Port.

À l’époque je travaillais tout en haut de la rue Breteuil. Il m’arrivait plusieurs fois par semaine de ne pas rentrer directement à la maison. J’avais déjà le besoin de quelques instants bien à moi, hors de toute contrainte. Alors, je descendais à pied sur le Vieux port, sur le quai de Rive Neuve... je m’arrêtais au Monaco. En terrasse les jours de soleil et de ciel bleu. J’observais le spectacle que m’offraient les gens assis autour de moi, ceux qui passaient, j’aimais me laisser aller au ballet immobile des bateaux aux lueurs d’un couchant, au chuchotis de leurs cordages.
En revanche, les jours de fort mistral ou d’hiver, j’optais pour l’intérieur. Je préférais m’installer à l’étage. Je choisissais un endroit bien retiré, bien isolé, le plus au calme possible, et j’y crayonnais, le temps d’une ou deux cigarettes… d’un ou deux cafés… d’une ou deux chansons distillées par un Juke-box. Absente même de ceux qui étaient à portée de voix.

Et puis, un soir, ainsi que cela arrivait parfois, quelqu’un m’a demandé du feu. Sans même m’extraire de mon petit univers de scribouilleuse, j’ai ramassé le briquet posé sur la table et l’ai tendu à la silhouette penchée vers moi

Sauf que, en lieu du merci habituel j’ai entendu des sons en forme de question.

- Régine ? C’est bien toi ?

Ce qui m’a forcée à détourner les yeux d’une page noircie de mots pour les poser sur un visage pas du tout inconnu même si, encore perdue dans mes chimères, j’ai mis quelques secondes pour le situer dans ma mémoire ! Michèle !

Oui, Michèle ! Compagne de classe de septembre 1966 à juin 1969. Ensemble au lycée Marie Curie, nous avions traversé allègrement les tourments de 1968 en compagnie de quelques autres. Gérard et Alain, les inséparables, Guy le fils de « bonne famille » Ô ! Les courses sur la route de la Gineste, dans sa Porsche noire, quels frissons ! Léo poétesse tourmentée, gothique avant l’heure, Chantal spécialiste des danses provençales… et tous ceux (pardon à eux) dont les prénoms m’échappent pour l’instant !

Après les exclamations d’usage, je me suis trouvée tirée vers d’autres tables, poussée et présentée à une foule de prénoms dont je n’ai pas même retenu le premier !

Quelques instants de bavardage, de ces mots qui raniment un passé encore très proche et puis la proposition de passer la soirée ensemble. De filer vers ailleurs, de prolonger ces instants chez Michèle, autour d’une bouteille de vin en se partageant quelques pizzas.

Sauf que nous n’avions pas le téléphone à la maison et que pour pouvoir me joindre à tous ceux-là, il me fallait quand même en informer mes parents. Pas question de leur infliger une inquiétude quelconque.

Et là, une voix qui dit qu’il n’y a aucun problème. Je me tourne vers celui, assis en retrait, que je n’avais pas du tout vu jusque-là, qui se lève déjà en ajoutant que, pendant que les autres s’occuperont des pizzas, il me conduira chez moi vite fait bien fait, et je le laisse me prendre par le bras pendant qu’il précise tout en m’entraînant après lui que nous nous retrouverons tous plus tard.

Il n’a suffi que de quelques pas pour aller du bar à une 2CV garée une ou deux rues plus loin. Je ne saurais plus dire à quelle distance. Je n’aurais su le dire même sur l’instant tellement le temps ne m’a plus semblé avoir de consistance.

Juste quelques pas et déjà nous bavardions comme de vieilles connaissances… Quelques minutes pour rallier le Vieux port à mon domicile et nous étions comme de vieux amis… Une poignée de secondes, en pleine cuisine sous les yeux effarés de mes parents, et nous étions comme de vieux complices échangeant regards et sourires entendus… Le premier fou rire partagé aussitôt à l’extérieur et un autre au moment de mettre le contact.

Combien de tours et détours avant de nous résoudre à rejoindre ceux qui nous attendaient !

Et combien de mots pour combien de confidences ! Avec, pour la première fois, la sensation profonde de pouvoir parler sans la crainte d’être incomprise, d’éveiller une méchante ironie.

Voilà… à quoi bon en dire davantage ? La pizza était sans doute bonne… L’ambiance aussi, du moins pour ce que j’ai pu l’apprécier durant un tête à tête ininterrompu.

Mais une émotion profonde, enivrante et apaisante en même temps.

Et un sentiment d'atteindre, de toucher au but... d'amour plénitude...

Parfois il m’arrive de me dire qu’il a été le seul… Que le destin me l’a offert et… et…

Oui… il était en partance… Le lendemain il partait pour Paris.

Ce lendemain-là, j’arrivais en retard à mon bureau…

Ce lendemain-là, il téléphonait au bureau du quai de la gare Saint Charles, indiquant l’heure de départ de son train, me priant de le rejoindre…

Ce lendemain-là… je n’étais pas là… et lorsque j’ai eu son message, bien assez tôt pourtant… Eh bien… j’ai hésité… hésité… trop hésité…

Je n’ai plus eu le courage de contacter qui que ce soit… Peu de temps après je quittais ce boulot pour un autre… Et depuis, dans ma tête, je cours après un train perdu…

Mais au fond, ce n’est pas plus mal… C’est mon plus beau souvenir… Mon seul beau souvenir ! Qui sait ? Peut être que s’il en était allé autrement, je n’aurais pas même celui-là !

Cette année, j’ai pas mal pris le train… quelques fois vers Paris… D'autres vers Bordeaux…

Peut être un jour attraperai-je celui qui file dans ma tête…

Voilà pourquoi je demeure persuadée que les amours inachevées sont les plus belles... Et dire que... c'est "ma" seule !!!


Train du passé...


Le train s’étire tout au bord du quai. Un très vieux train ! Un train sans âge… presque un fantôme de train. Un train comme il en existait autrefois. J’avance… je ne sais pas pourquoi… mais j’avance.

La locomotive à vapeur dresse fièrement sa cheminée, même si de guingois. Dans sa lourde robe noire rutilante, elle en impose même au TGV voisin. De ses yeux ronds, elle observe les silhouettes humaines qui passent devant elle, aveugles à son existence. Son regard accroche le mien, et elle laisse fuir un soupir… un long soupir… Elle chuchote… et je l’entends… et je l’écoute… Captive de ces prunelles sans âme, miroirs bleutés dans lesquels glissent mes pas. J’avance… je ne sais pas pourquoi… non… je ne sais pas… mais j’avance encore !

Elle me laisse aller, suivre le long de son flanc… Elle souffle…siffle… renifle… et vibre sur ses roues… je passe… et je retiens ma main, n’osant une caresse sur la soie sombre, pour ne pas sembler la flatter comme je l’aurais fait pour la croupe d’un percheron.

Sur le quai désert, j’avance dans un silence ouaté résonnant de murmures, d’appels, de rires… lointains… comme suspendus… comme immobiles… figés. Sur le quai désert, j’avance dans une clarté voilée de brume vaporeuse peuplée d’ombres qui se hâtent, se bousculent, se mêlent, se défont… impalpables.

Une enfilade de wagons, des fenêtres ouvertes sur les bruissements de mains qui s’agitent, délivrent des adieux, libèrent des baisers du bout de leurs doigts, en cueillent d’autres, les ramènent et les déposent sur des lèvres invisibles.

J’avance… je ne sais pas pourquoi… je ne sais pas vers où… mais j’avance.
Un chuintement, une portière qui se replie au-dessus d’un marche pied.
Une barre à laquelle je m’accroche.

Est-ce elle qui me tire ou moi qui me hisse ?

Des lattes de bois, vernies, lustrées, qui frissonnent sous mes pieds.

J’avance… je ne sais pas pourquoi… mais j’avance encore.

Un long couloir… un sas… un couloir… un sas… un couloir… Un compartiment ouvert, invitation muette des banquettes au cuir patiné, avachies sous le poids des corps passés, portés, des vies transportées. Transhumance humaine… Chuchotements…

J’écoute…

J’écoute… des mots… des rires… des appels… des soupirs… des baisers… Des sons échappés, libérés des parois impassibles.

J’écoute… et je me tais.

J’écoute et j’attends…

J’attends le premier frisson, la première vibration, le premier tremblement d’un convoi étrange dans lequel je me perds.

Le train… le train sans âge palpite… s’ébranle… délie ses membres engourdis.

Je les sens, les ressens, les pousse… accorde ma respiration à la leur et leur rythme s’impose.

Voyage vers l’inconnu … Voyage vers l’oubli… ou bien vers cet hier après lequel je cours ?

Et ce train d’autrefois s’anime… et le quai glisse aux vitres closes… et le train avance… je ne sais pas vers où… je ne sais pas vers quoi… je ne sais vers qui… mais il avance… et il m’emporte…

Où que tu sois… je viens…
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