chaque être est un univers
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 Poudre d'or

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reginelle

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MessageSujet: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:24

Chapitre 1
À moins de patienter le restant de la matinée, Julie devait se rendre à l’évidence : il n’y avait plus une seule place libre dans le parking souterrain !
Tout en maudissant copieusement le propriétaire du véhicule qui occupait l’emplacement qui lui était attribué, elle reprit la rampe donnant accès aux allées de Meilhan’.
Ce ne fut qu’après de longs tours et détours au hasard de ruelles quasi paralysées par des encombrements, qu’elle se résigna à abandonner sa Toyota sur la Canebière, à cheval trottoir chaussée. Stationnement des plus délicats mais parfaitement visible depuis les fenêtres de l’agence d’où elle pourrait veiller au grain.
Presque en retard pour son prochain rendez-vous, elle se refusait néanmoins à courir. Manifester une hâte quelconque ne pouvant donner que pleine réalité à un début de contrariété qu’elle s’efforçait de refouler.
Il n’était pas question de faire mentir l’or irisant l’azur de ses paupières, pareil à poussière de soleil jetée sur le turquoise des profondeurs d’une eau de calanque.
Pas aujourd’hui !
Mais si ce fut d’un pas tranquille qu’elle abordât le bâtiment abritant les bureaux de Musslër & C°, elle ressentit un petit pincement au cœur au moment d’en franchir l’entrée.
C’était fait, entériné... irrévocable : elle avait signé, leur déménagement était programmé pour la fin de l’année, et plusieurs locataires potentiels se bousculaient déjà pour leur succéder dans ces lieux.
Quant à eux, ils se trouvaient désormais face à un défi énorme. Un challenge passionnant ! Tels qu’elle les aimait et que tous, sans exception, étaient prêts à relever. Elle savait qu’elle pouvait compter sur toute l’équipe.
Ils avaient travaillé dur, très dur ! S’étaient investis sans mesurer ni temps ni fatigue pour présenter un projet sans faille, et elle s’était engagée devant chacun à trouver les moyens de le réaliser.
C’était de cette bataille dont elle revenait. En vainqueur… bien qu’elle n’eût obtenu gain de cause qu’après d’âpres et d’interminables discussions.
Oui… Une belle réussite dont elle pouvait s’enorgueillir. Et pourtant…
Elle se glissa entre les panneaux vitrés de la porte à tambour et suivit docilement le mouvement rotatif qui la déposa en douceur dans le hall, juste entre deux énormes vasques de granit rose en partie ensevelies sous les feuillages luisants d’exubérantes plantes exotiques. Elle prit le temps de caresser du regard les chaudes boiseries courant sur les murs, les antiques appliques de verre jaune et bleu pâle, et l’énorme lustre de laiton dont les mille pendeloques de cristal irisaient le double escalier de paillettes de lumière.
Avec un soupir, elle avança lentement sur le sol de marbre blanc veiné de gris et d’ocre, jusqu’à l’asthmatique ascenseur et appuya sur le bouton d’appel.
Et pendant que l’étroite cabine descendait tranquillement à sa rencontre, elle sentit qu’elle regrettait déjà de devoir quitter un jour les locaux de ce magnifique hôtel particulier datant du milieu du XVIII siècle – hélas, étriqués ! et trop bruyants d’un centre-ville - pour d’autres bien plus pratiques et parfaitement insonorisés, couvrant les deux derniers étages d’un immeuble ultra moderne sur l’avenue du Prado. Et cela à cause de la certitude de ne jamais retrouver dans le second le cachet de ce luxe vieillot et désuet qu’elle appréciait tant dans le premier.
Sans oublier un petit rituel avant de se mettre à l’ouvrage : les deux minutes qu’elle consacrait à l’observation d’une Canebière paresseuse s’étirant du parvis des Réformés au Quai des Belges et s’ébrouant sous une toilette matinale.
Une pause, le temps de siroter un énième café, accoudée à la fenêtre de son bureau d’où, sans même avoir à se pencher, elle pouvait contempler le Vieux Port. « Son » Vieux Port.
Pour consolation, ils disposeront de trois fois plus de places de stationnement. Quoique, à deux pas de chez elle et sans nécessité de traverser les voies... en quoi cela lui offrait-il une compensation quelconque ?
Dans un gémissement métallique, parfait écho à sa nostalgie, la porte accordéon de l’ascenseur se replia devant elle, l’invitant à la passer. Julie lui obéit sagement et d’un doigt distrait composa le code lui autorisant l’accès du cinquième étage.
Adossée à la paroi capitonnée de velours cramoisi, elle écouta avec tendresse le miaulement feutré des câbles qui se déroulaient paresseusement au-dessus de sa tête.
Tout au long de ces dix dernières années, combien de fois s’était-elle irritée de leur lenteur ? Combien de fois avait-elle préféré emprunter l’escalier ? Dès les premiers jours ! Elle n’était alors que débutante maladroite mais déjà pressée ! Bien avant que ce satané Ed ne fit l’acquisition du bâtiment… et il y avait cinq ans de cela !
Oui… Cinq ans ! Cinq ans s’étaient écoulés depuis le jour où elle avait pratiquement contraint Ed Musslër à conserver, en dépit de toute raison, une société agonisante. Et tout autant également qu’elle dirigeait d’une main ferme cette agence publicitaire, parce que, en retour, ce diable d’homme l’avait mise en demeure d’en faire une entreprise rentable.
Le premier bilan avait été désastreux et le second à peine moins ! Deux longues années durant lesquelles elle avait eu droit à un « Combien me coûte ma danseuse, ce mois-ci ? » à chacun de ses comptes-rendus mensuels.
Mais leurs efforts avaient fini par donner des résultats et depuis la troisième année, les profits s’engrangeaient allègrement.
En revanche, bien que lui étant tout acquis, lors des négociations de ce matin, Ed Musslër s’était avéré adversaire retors et particulièrement coriace. Sacré Ed ! La connaissant trop bien pour prétendre l’ignorer aussi entêtée que lui, il n’avait eu d’autre choix que de céder à sa requête. À moins de prendre le risque de se voir harcelé à n’en plus finir, mis en état de siège ou, pis encore, kidnappé… ce dont il la savait parfaitement capable !
Et pour tout cela, à cause des lieux et des souvenirs qui s’y rattachaient, la victoire avait un arrière-goût de mélancolie.
Dans un dernier sursaut, la cabine s’immobilisa face au sas donnant accès à l’étage. Julie poussa la paroi vitrée d’un bras décidé et se figea aussitôt, enregistrant d’un coup d’œil l’accueil déserté et les dossiers abandonnés sur un siège.
Elle avança de quelques pas dans le couloir desservant les quatre premiers bureaux, étonnée de n’y apercevoir que fauteuils et tables inoccupés.
Sourcils froncés, elle s’interrogeait sur ce qui pourrait expliquer une aussi générale désertion lorsque son attention fut attirée par des échos de querelle émanant apparemment de la salle de réunion.
Fait suffisamment inhabituel pour confirmer l’agaçante évolution adoptée par un lundi qui, à l’aube, s’annonçait pourtant pareil à d’autres !
Il lui suffit de traverser la pièce réservée aux archives, de parcourir un second vestibule pour enfin apercevoir une demi-douzaine d’individus agglutinés et hilares devant une porte entrebâillée.
Allait-elle les interpeller que l’un d’eux la découvrit et donna l’alerte. Et tous s’égaillèrent tels moineaux à la vue d’un chat, la laissant bouche bée.
Débandade incompréhensible pour une Julie qui était pourtant toujours la première à savourer un mot d’humour, qui savait apprécier un zeste d’imprévu, qui fermait volontiers les yeux sur un soupçon de distraction.
Mais qui ne saurait tolérer qu’une altercation perturbât la bonne organisation du travail !
La main sur la poignée, sur le point de pousser le panneau de bois, elle suspendit son geste, étonnée de reconnaître sous les accents furieux qui lui parvenaient, la voix de… de… David ?
Qui donc avait le pouvoir de transformer un si gentil garçon, l’élément le plus patient, serviable et attentionné de son équipe, en un tel braillard ?
Chic ! Voilà qui modifiait les données du problème.
David, furieux ! Un spectacle digne de figurer dans les annales de la société… À ne manquer sous aucun prétexte.
Curieuse ? Julie ? Absolument pas ! N’était-elle pas responsable du service ? D’ailleurs, elle n’avait même pas à tendre l’oreille.
- Fais-la sortir d’ici, avant que je ne perde tout contrôle !
- Doucement, David ! Tu vas l’effrayer dès son premier jour.
- Elle ? Ray, tu rêves ! C’est la peste, Attila et Lucifer réunis en un même individu. Moi ? La terroriser ?
Qui donc ?
Julie risqua un petit coup d’œil pour mieux évaluer la situation et... Justine ? Que faisait-elle là, confortablement installée dans un fauteuil, jambes croisées et menton reposant au creux d’une main ? Affichant un ébahissement désolé face à l’attitude déraisonnable d’un excité, bien plus que ravissante et d’une troublante fragilité sous des allures étudiées et trompeuses de chatte ronronnante !
Et ce serait vers une telle harmonie de subtils artifices qu’était dirigée tant de fureur ? Et David ? Où était-il ? Julie avança davantage la tête dans l’entrebâillement et… Là ! Elle le voyait enfin !
Un vrai coq de combat ! Le front aussi rouge que la crête de ce volatile, manifestement hors de lui. Colère sans doute aiguisée par l’incontestable ironie qui transparaissait dans le regard d’une gamine effrontée.
- Regarde… Regarde ses yeux ! Tu vois bien qu’elle me nargue !
- Mais non, tu te trompes. Va boire un café, ça t’éclaircira les idées… Tiens ! Je te l’offre et suis prêt à t’accompagner jusqu’au distributeur ! Vous, charmante demoiselle, surtout ne vous sauvez pas, je reviens dans deux minutes.
- Me promener dans les couloirs avec un enragé en liberté ? Aucun risque !
- Tu as entendu ? Aboya David, et c’est moi qui devrais quitter les lieux ? Pas question !
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:24

Julie hésitait, consciente qu’il serait sage d’intervenir, de mettre fin à cet échange de civilité d’un style singulier, mais… le fallait-il vraiment ? Encore un peu, pas longtemps... juste deux, trois secondes, pas plus... à peine assez pour que l’anecdote évoluât plus croustillante ! Et elle eut du mal à retenir un éclat de rire au murmure suave de la jeune fille qui ajoutait :
- Se mettre dans un état pareil pour une minuscule égratignure sur un vieux pare-chocs ! C’est tout juste digne d'un enfant !
Justine... adorable Justine… qui n’était que promesses pour l’avenir ! L’intonation était un poème de maîtrise, pas une syllabe plus haute que l’autre et d’une douceur à émouvoir un cerbère ! Sa nièce préférée !
Mais de quoi parlait-elle ? Un accrochage ? Ô Seigneur ! Il devait s’agir de la Talbot Lago ! Pas n’importe laquelle, un modèle de 1954, la T26 GSL ! Un bijou qui faisait l’orgueil de David. Depuis combien d’années s’échinait-il à la retaper ? Bien avant qu’elle ne fit sa connaissance, il était encore étudiant... six ans au moins ! Si longtemps ? Un crime déjà, si un malheureux grain de poussière osait se poser sur la carrosserie, alors que dire d’une estafilade ? Une syncope assurée pour son propriétaire ! Qui, lui, s’emportait de plus belle.
- C’est une pièce de collection, stupide femelle !
- Vraiment ? Dans ce cas, remisez-la donc dans un musée et déplacez-vous à pied ou... à bicyclette !
- David, intervint Raymond, comment peux-tu manifester autant de mauvaise humeur et demeurer insensible face à d’aussi jolis yeux ? Mademoiselle, excusez-le, ce n’est qu’un rustre, incapable de la moindre indulgence, mais, n’ayez crainte, vous êtes sous ma protection.
Raymond semblait s’amuser beaucoup dans ce rôle d’arbitre entre eux. Celui-là ! Don Juan de pacotille devant une jeunesse alors qu’il n’était que mouton bêlant devant son irascible épouse. Quant à David et Justine, après de tels débuts, ils risquaient de lui donner du fil à retordre ! Il était plus qu’urgent de calmer le jeu ! Il lui suffit de se composer une mine sévère, de prendre un ton de circonstance et... Julie Castel entra en piste !
- Que se passe-t-il ici ?
Un silence total, des regards empreints de rancune pour deux des protagonistes, et un léger embarras pour le troisième, celui qui n’avait rien à faire en ce lieu, et surtout à cette heure !
L’occasion était bien trop belle pour que Julie se privât de lui rappeler quelques rapports qui traînaient à se conclure !
- Tiens, Raymond ! Tu tombes bien, je voulais justement t’entretenir à propos des dossiers Mariani et Souvignat. Où en es-tu ?
- Ben… j’ai presque fini, et…
« Presque ? » Eh bien, s’attarder de la sorte ne l’aidera pas à y arriver tout à fait !
- Je peux donc espérer raisonnablement les avoir avant ce soir !
- Oui, oui, oui… Considère même que tu les as ! Salut, les enfants, le devoir m’appelle ailleurs !
Dissimulant une moue moqueuse, Julie le regarda s’éloigner à toute allure.
- C’est ça… Cause toujours ! Gare à lui si je dois le relancer une fois de plus, grinça-t-elle avant de se tourner vers les deux autres.
- Et maintenant à nous trois ! Alors ? Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
- La seule coupable, c’est cette petite sotte ! Dénonça David. Et tu n’avais pas à t’en prendre ainsi à Raymond !
- Toi, mon grand, du calme, tu as l’air d’oublier où tu te trouves en ce moment, mais... nous nous expliquerons plus tard.
- Je te souhaite bon courage, Julie, soupira la jeune fille.
- Mmm Mmm … oui… et ma Justine, je l’invite à taire ses gentillesses empoisonnées qu’elle distille à la perfection !
- Justine ! Ricana David… Avec un prénom pareil, plus rien ne m’étonne.
- Je suis contente qu’il vous plaise ! S’exclama cette dernière, avec un tendre sourire, très vite remplacé par un air navré pour ajouter : en revanche, le vôtre est lourd à porter ! L’histoire a déjà son David et, ne rêvez pas, le détrôner relève de l’impossible.
- Julie, débrouille-toi pour tenir cette chipie hors de ma vue !
- Oh oui, Julie… et ainsi tu feras deux heureux !
Une cour de récréation dans une école maternelle. « Ce n’est pas moi ! », « C’est lui ! » Jusqu'à quel âge pouvait-on coller des enfants au piquet ?
- Si vous vous décidiez à adopter un comportement d’adultes responsables, peut-être pourrais-je en arriver aux présentations d’usage ?
- Tu as raison… acquiesça Justine… comme toujours ! Et je suis ravie de travailler avec toi parce que…
- Pas « avec », fillette, mais « pour »… la reprit Julie… Saisis-tu la nuance ?
- Une nuance ? Où ? Oh ! Oui... certainement. Enfin, je crois...
- Ha ! ha ! ha ! Elle « croit », qu’elle dit ! s’esclaffa David…
- Le rire est abondant sur le visage des simples d’esprit… en voilà un exemple, énonça Justine !
- Hé ! Ho ! C’en est assez ! Je ne suis pas tenu d’écouter de telles inepties, s’enflamma de nouveau le jeune homme.
À qui Justine conseilla d’une voix doucereuse : - Bouchez-vous les oreilles !
Julie se délectait d’autant mieux de leurs chamailleries qu’elle avait le plein pouvoir d’y mettre un terme.
Bon, ces deux-là avaient donné le ton à un début de scénario, il ne lui restait qu’à observer de quelle façon ils allaient évoluer dans le décor mis à leur disposition. Comment leur présenter la chose ? Tout de go ou avec ménagement ?
- Et vous, ouvrez les vôtres, Miss Catastrophe ! Je ne veux pas vous voir à moins de dix mètres de mon véhicule, et autant de moi-même. C’est bien clair ? Et… et… moi, je sors ! Je m’en vais faire un tour et…
- Eh !!! Attends ! L’arrêta aussitôt Julie. Avant de te débiner, il faut que tu saches que Justine va partager notre environnement durant les deux prochains mois.
- Quoi !!! Deux mois ! Tu as dit deux mois ?
- Oui ! Et aussi que… ben…, … j’avais l’intention de... de te la confier.
- À lui ?
- À moi ?
S’écrièrent-ils d’une même voix ! Un ensemble parfait ! Ce qui enchanta Julie ! Elle le savait : ils étaient faits pour s’entendre ! De quoi s’inquiétaient-ils ? Il ne s’agissait dans l’immédiat que de deux ou trois petites heures. Juste le temps d’un tour d’horizon, de survoler les lieux ! Un léger différend entre eux ? Tant pis !
- À toi et à lui… oui, à tous les deux ! Je suis navrée, mais c’est comme ça ! En avant, petits soldats ! Du cœur à l’ouvrage et avec le sourire.
- C’est bien pour te faire plaisir, concéda David. Bon… pour ce midi, nous déjeunons ensemble ?
- Si tu veux. Et toi, Justine, tu n’as rien prévu ?
- Je pensais t’inviter mais, je crois que...
- Voilà qui est parfait ! Nous serons trois !
- Julie, non ! S’écria David. Pas avec...
- Oui, oui, oui ! Et nous aurons, peut-être, un quatrième larron à notre table... qui est en retard d’ailleurs. Allez ! Filez ! Et, par pitié, plus de vagues !
Elle n’eut qu’à les observer tandis qu’ils s’éloignaient pour deviner que l’orage, entre eux, n’était qu’assoupi. Et elle se plut à imaginer leur prochaine réaction, lorsqu’ils verront leurs noms unis sur le programme des prochaines semaines.
Que c’était compliqué, parfois, la vie ! Ils étaient tellement mignons, aussi gentils l’un que l’autre ! Était-il logique de se quereller pour une broutille ? Quoique ! Qui mieux informé qu’elle pour savoir qu’un incident insignifiant pouvait se révéler le détonateur d’un événement important ?
Pas vraiment une bonne idée de faire référence à son cas personnel, à ne souhaiter à personne.
Mais c’était le passé, et se lamenter ne rimait à rien…. et puis… elle avait eu de bons moments…
« Ah, oui ? Lesquels ? ».
Elle ferma les yeux sur sa mauvaise foi : pas de place pour des regrets, aujourd’hui, la vie était belle, l’avenir lui souriait, et surtout, - le plus important à son avis - elle était libre.
Et ce retardataire, que faisait-il ?
Personne dans le coin détente, ni sur les sièges du hall. Un mauvais point à noter dans son dossier. Tant pis pour lui, elle avait suffisamment de travail en attente dans sa corbeille pour ne pas perdre davantage de temps
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:27

Chapitre 2

Quand le Diable s'en mêle ! voilà une heure que le téléphone ne laissait aucun répit à Julie. Et une tasse de caféserait la bienvenue.
Où donc s’était envolée Claudine ? Qui n’avait pas l’air de comprendre que sa tâche essentielle consistait à filtrer les appels, à demeurer à proximité de son bureau et disponible dans la mesure du possible ! Se promener dans les couloirs n’était pas le plus indiqué pour y satisfaire.
Par ailleurs, cette gamine était tellement gaie et sympathique qu’il était aisé de fermer les yeux sur certains de ses petits travers. Être accueilli par son sourire était le premier vrai plaisir de chaque matin, apte à ranimer un moral au plus bas et qui a viré au gris. Bien plus efficace qu’un médicament !
De plus, lorsque Julie l’entendait rire au téléphone, avec un fournisseur ou un client avant de le lui passer, elle savait que ce dernier, détendu par un mot gentil et une attente agréable, n’en serait que plus facile à manier.
Il fallait cependant se décider à lui faire regagner son poste. Un message par les haut-parleurs et le tour était joué. Une installation fort judicieuse, quelques mots lancés tous azimuts, une bonne dose de patience, et au bout... deux coups à la porte. Déjà !
- Entre ! Où étais-tu encore perdue ? Gronda-t-elle gentiment tout en validant les dernières informations affichées sur l’écran de son ordinateur.
- Dans le hall depuis environ une heure.
- Hein ? Sursauta Julie sous une voix inconnue ! Pas celle de Claudine... sauf si elle avait mué masculine durant la nuit.
- Qui... ?
Le temps de pivoter sur son fauteuil et elle fit face à un homme de haute taille, d’une élégance virile et raffinée – de celle qu’elle pensait disparue à jamais – et qui lui présentait plusieurs gobelets fumants, posés sur un couvercle de boîte à archives en guise de plateau.
D’où sortait-il, celui-là ? Se raidissant un peu sous le regard amusé, Julie tenta d’adopter une allure plus conforme à celle que devrait afficher Madame Castel, responsable en titre chez Musslër & C°.
Sans aucune envie de répondre au sourire que l’inconnu lui adressait, elle l’écouta lui proposer de choisir entre un noisette, un petit noir bien serré et un autre plus léger, sans omettre un café au lait et... du thé !
Rien que ça ? Non, il avait pensé au sucre et même à la petite cuillère !
- Plaît-il ? Je... D’où venez-vous ?
- De la pièce voisine. J’ai entendu votre message, j’y ai obéi, et le distributeur a fait le reste. Ne connaissant pas vos préférences, j’ai pris toute la gamme. Ai-je oublié quelque chose ?
- Posez cela ! Qui êtes-vous ? Non, ne dites rien, je sais ! Mon retardataire…
- Je suis navré de vous contredire, mais j’étais exact à notre rendez-vous. Dix heures précises. En revanche, vous, vous n’étiez pas dans votre bureau et votre secrétaire doit s’être égarée à vous chercher depuis !
Il débutait bien ! Par un sermon à peine déguisé ou bien elle ne comprenait plus rien à rien ! À qui croyait-il s’adresser ?
- L’accueil était pourtant désert à mon arrivée.
- J’ai eu la faiblesse de céder, comme vous, à l’appel d’une tasse de ce breuvage. Lequel préférez-vous ?
- Noir, serré et sans sucre. Asseyez-vous, vous me donnez le torticolis de rester ainsi debout. Vous ne prenez rien ?
- Pas pour le moment. Alors, que faisons-nous ?
En plus, il semblait pressé de se mettre au travail ! Il ne tarderait pas à voir qui donnait le tempo, mais, pour l’instant, elle allait se contenter de boire son café, ensuite...
- Vous êtes bien Julie Castel ?
Non ! L'impératrice de Chine réincarnée ! Faillit-elle lui répondre.
- Le nom sur la porte l’indique assez clairement, il n’y a pas erreur sur la personne. Eh bien… merci pour le café ! Alors… vous - j’ai votre dossier, là - vous êtes... J. Gauthier... « J. » pour… ?
- Pour Julien. C’est amusant, non ?
- Vous trouvez ? Je n’ai plus que très peu de temps à vous consacrer dans l’immédiat, alors autant nous entretenir sérieusement de ce qui vous amène parmi nous. Voyons cela, dans quel domaine souhaitez-vous vous perfectionner ?
- Tout ce qui concerne cette entreprise.
- Pourquoi celle-ci ? Ou cette activité en particulier ?
- Elle en vaut bien une autre, non ?
- Euh… oui… Mais, tout dépend du but à atteindre… et il me serait agréable de connaître le vôtre.
- À dire vrai, je n’en ai aucun de précis pour l’instant sinon celui de voir si ce genre d'emploi pourrait me convenir.
- Vous convenir ? Écoutez… il ne s’agit quand même pas de choisir un job ainsi que vous le feriez de… d’une chemise ou…
- Fichtre ! Je ne m’attendais pas à rencontrer quelqu’un d’aussi…
Un lundi ordinaire ? David hors de lui, Justine... toujours la même, et maintenant, ce type-là !
- D’aussi quoi ? Soyons clairs, si nous vous acceptons parmi nous…
- Si ? Je pensais que c’était un fait acquis !
De mieux en mieux ! Ce type l’agaçait tellement qu’elle en oubliait avoir affaire au protégé d’Ed Musslër !
- Oui… bien sûr… Je voulais seulement souligner qu’intégrer notre équipe vous donnait plein accès à certains secteurs où la plus grande discrétion est de rigueur. Je sais qu’en seulement trois ou quatre semaines, vous n’aurez pas le temps...
- Vous êtes mal informée, cette durée n’est valable que pour ma présence dans votre service. Vous oubliez les autres. Si je m’en tiens aux informations transmises par Ed, je devrais évoluer dans l’agence durant au moins six mois, et plus si nécessaire.
La moitié d’une année avec ce type sur les bras ? À quoi pourra-t-elle l’occuper ? De plus, en cette période, il ne représentera qu’un handicap.
Joli cadeau que Ed lui faisait là ! Pour lequel elle ne tardera pas à le remercier ! Dans l’immédiat, autant s’en faire une raison : quelques jours passeront vite, ensuite elle confiera le « colis » à quelqu’un d’autre.
Julie inspira profondément, s’efforçant de recouvrer un semblant de calme avant de reprendre l’entretien, et sursauta à la porte qui s’ouvrit brusquement livrant passage à un tourbillon en collants noirs et mini kilt à carreaux jaunes et verts sous un pull mauve, le tout surmonté de boucles rouges.
- Claudine ! s’exclama Julie, les yeux écarquillés. Mais… tes… tes cheveux !
- Vite !…. Les clés de ta voiture ! Il faut… oh ! Vous êtes là ?
- Euh… Oui ! lui répondit Julien… Rassurée ?
- Vous ne risquiez pas de vous perdre ! Alors ? comment ça se passe ?
- Claudine, intervint doucement Julie, toute maîtrise d’elle‑même retrouvée, ainsi que tu peux le voir, Monsieur Gauthier est encore entier ! Quant à mes clefs… Pourquoi ?
- Ah oui… les clefs ! C’est ton auto, … il faut la déplacer. J’ai eu toutes les peines du monde à empêcher la fourrière de l’embarquer !
Décidément, cette journée cumulait les ennuis ! Si elle tenait celui à qui elle devait de…
- Tiens ! Demande à David ou à Raymond de s’en charger.
- Tu n’auras plus jamais confiance en moi ! L’accusa Claudine avec une adorable moue boudeuse.
Julie frémit intérieurement en évoquant les dernières mésaventures subies par son cher véhicule. Telle que : une roue arrière engloutie par une bouche d’égout, inattendu résultat de ce qui aurait dû n’être qu’une banale manœuvre ; ou encore coincé entre deux potelets. Qu’il avait fallu desceller pour l’en dégager, uniquement parce que Claudine n’avait pas envisagé, même une fraction de seconde, qu’un cabriolet Toyota pouvait être sensiblement plus large que sa petite Clio ! Non… que cette étourdie lui accorde davantage de temps pour oublier ses exploits… Surtout ce lundi-là ! Dans l’intérêt de tous, et de son automobile en particulier, qu’elle se cantonne au domaine dans lequel elle excellait : les dossiers en attente sur son bureau. Ce que Julie s'empressa de lui rappeler !
En priorité, passer à la composition et transmettre le feu vert pour le projet 104, les documents signés se trouvaient, bien en évidence, dans le bac étiqueté «urgent ».
Ensuite, faire un saut au second, chez Paint, et bousculer Michel : s’il continuait à ce rythme, ils allaient prendre du retard.
- Qu’il m’appelle s’il a un problème. Ah ! Et essaie de voir où sont Justine et David, tu me diras comment ça se passe entre eux.
- Compte sur moi !
Julie suivit des yeux la jeune fille pendant qu’elle quittait la pièce, espérant très fort qu’elle n’oubliera rien, puis, encore dubitative, fit face à son interlocuteur.
- Où en étions-nous ?
- Vous vous tutoyez tous ?
- Pardon ? En quoi cela vous concerne-t-il ? Une analyse personnelle des rapports entre les divers échelons ?
- Seulement me faire une idée de l’ambiance dans laquelle je vais travailler.
- Nous voilà donc à pied d’œuvre ?
- Le temps perdu...
Ô ce sourire ! Que faisait-elle pour l’amuser autant ?
- Je connais la suite... Eh bien, pour satisfaire votre curiosité, non... pas tous, uniquement à cet étage, dans « mon » service ! Nous sommes sept, nous travaillons ensemble, autant le faire dans une atmosphère détendue.
- Mais vous, si j’ai bien compris, vous dirigez la totalité de l’agence !
- Je ne vois pas...
- Une attitude trop... disons… trop « amicale » pourrait affaiblir votre autorité, non ?
Ainsi, à son avis, elle devrait prendre des distances, s’isoler dans une tour d’ivoire et toiser ses collaborateurs !
La barbe ! Pour qui se prenait-il ?
Quelques mots pour une entrée en matière assez drôle, ensuite l’impression, pour elle, de se retrouver sur la sellette, et maintenant, chez lui, rien de moins qu’un ton de professeur !
Elle aurait dû s’y attendre ! Un col qu’elle jurerait amidonné, une cravate, des boutons de manchettes, des pantalons au pli impeccable, aucune fausse note chez lui.
Elle n’avait pas vu les chaussures !
Mais comment imaginer des baskets aux pieds d’un tel personnage ? Pas lui ! Elle parierait un mois de salaire.
- Croyez-vous que l’anarchie règne sous ma direction ?
- Je n’ai rien insinué de tel. Toutefois, en ce qui concerne votre secrétaire, son comportement...
- Claudine ? Vous vous y ferez, et à la longue vous pourriez même en arriver à l’adorer.
Pour en finir, elle lui précisa que c’était à « son » étage qu’il relèvera le plus petit taux d’absentéisme. Elle savait qu’elle pouvait compter sur tous.
Ils travaillaient dans la bonne humeur ? Et alors ? Cela était d'autant mieux que dans leur domaine les tristes mines avaient peu de chance de voir adopter leurs idées...
Elle admettait volontiers ne pas apprécier le style « se taire et obéir » mais, si chacun avait droit de parole et liberté de défendre son projet, il savait aussi qui, au final, décidait, et à tous les niveaux !
- Rassuré ?
- Je n’étais pas inquiet... pas pour vous !
- Je crois que nous ferions mieux de sortir d’ici. Une visite s’impose, vous jugerez par vous-même.
- Excellente idée !
- Vous me voyez ravie de recevoir votre approbation, je n’en espérais pas tant !
Elle enrageait de devoir repousser la tentation de l’envoyer au Diable et avait l’intime conviction qu’avec un pareil collet monté sur le dos, les problèmes ne faisaient que commencer.
Une heure encore avant la pause déjeuner. Pourvu qu’il refusât de se joindre à eux ! Était-il vraiment indispensable de le lui proposer d’ailleurs ?
Elle ? Pas d’autorité ? Il ne tardera pas à apprendre à la connaître, jusqu'à demander grâce.
Julie ne supportait plus ce genre d’individu : très sûrs d’eux, trop ! au point d’estimer en savoir plus que n’importe qui, avec des idées arrêtées sur tout et une ligne de conduite qu’ils considéraient la meilleure !
Si elle pensait Gabriel unique au monde, le hasard venait de lui en offrir un second exemplaire !
Lui seraient-ils tous destinés ?
Qu’avait-elle fait au ciel pour mériter cela ?
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:43

Chapitre 3



Julie n’avait aucune envie de déserter un bouillonnement mousseux, ni de s’extraire de vagues à la chaleur bienfaisante, et décida de s’accorder encore cinq minutes. Le temps de laisser la décontraction l’envahir, jusqu’au plus petit muscle, au moindre tendon. Comment se nommait le génie qui avait inventé le bain à remous ?
Oui, mais... David ne devrait plus tarder à se manifester, et il n’était pas question de le recevoir aussi cavalièrement. Non ? Pas même une fois ? Juste pour se délecter de son expression !
Dix ans de moins, et, qui sait ? Pourquoi dix ? David approchait la trentaine. De loin... Quatre ans devant lui avant d’atteindre cette dizaine fatidique. Une éternité ! Alors que, elle ! Elle en avait franchi le cap depuis... une horreur !
Depuis son trentième anniversaire, elle avait subi six courtes révolutions terrestres autour du soleil. À l’échelle de l’univers pas même un battement de cils. Fichue planète… avait-elle besoin de s’essouffler à courir aussi vite dans l’infini, à dériver vers un but aussi mystérieux qu’inaccessible à tous ? N’existait-il personne capable d’actionner une pédale de frein cosmique ?
Qui donc lui avait mis en tête qu’un homme se devait d’être plus âgé que sa compagne ?
Là, elle s’égarait un peu et devrait se reprendre avant de le faire tout à fait. Pauvre garçon ! Julie rit doucement en imaginant la réaction de son « si » jeune ami affrontant la situation qui venait de lui traverser l’esprit.
Pourtant... il était vrai que la solitude lui pesait... par moments, pas toujours... uniquement à certaines heures.
Il advenait, parfois, qu’elle brûlât de se laisser aller au désir de céder à un sourire, à une œillade, à une invitation galante ; d’oser s’offrir le luxe d’un mirage sentimental, d’un détour dans une voie libertine, coquine et... tellement agréable !
Tromper de temps en temps l’ennui de ses nuits. De ses réveils aussi.
Que voulait-elle ? De la passion, de la turbulence ? Non, tout cela, elle en avait reçu une part plus que généreuse… Jamais plus de guerre ! Elle était saturée de batailles !
Ce qui lui manquait c’était... C’était une épaule d’homme, un corps, des mains d’homme... et... Maudit Gabriel qui veillait toujours sur elle avec plus de férocité encore qu’un hargneux bouledogue sur son os !
Ouste ! Mieux valait émerger de là avant de se laisser aller à des pensées tristounettes.
Une sortie de gala ! Qui pourrait expliquer cette subite fringale d’ambiance feutrée, de musique et de danse ? Elle sourit en évoquant la stupéfaction de David à l’autre bout de la ligne ! Lui qui avait décidé de l’emmener dans l’un de ces bistrots que, seul, il savait dénicher, puis l’entraîner dans une salle de cinéma !
Zut ! Il s’agissait d’un film avec Sean Connery. En dépit de son âge, ce type avait toujours une allure extraordinaire. À en ronronner presque de plaisir chaque fois qu’elle le voyait sur un écran…
Un idéal masculin ? Ardente inconditionnelle d’un acteur en particulier ? Des idées préconçues ? Non… pas Julie ! Pour ne pas être dotée d’une âme de midinette, pour être seulement séduite par un rôle et l’oublier sitôt la fiction achevée, pour n’avoir jamais confondu « homme » avec « personnage ». Pour avoir la certitude profonde que l’individu réel ressemblait à n’importe quel quidam dès sorti des plateaux de tournage : Aussi capable d’égoïsme que d’abnégation, de bonne ou de mauvaise humeur... porteur de qualités et de défauts, à l’image de tout un chacun.
Quelle tenue ? Elle verra plus tard ! Une décision importante, à la mesure des besoins qui s’agitaient en elle. Celui d’afficher le meilleur d’elle-même et de séduire... Celui de se prouver que, d’une certaine façon, elle était encore capable d’émouvoir et d’attirer un homme... De s’assurer que, au moins sur ce plan-là, elle existait toujours.
Ou seulement - pourquoi ne pas l’avouer ? - parce qu’elle adorait enflammer des regards !
Allumeuse ? Julie ? Pas du tout... Aucune provocation gratuite en elle, sinon la nécessité de se rassurer. Sans jamais encourager celui… ou plutôt ceux qui lui souriaient.
D’ailleurs elle ne sortait qu’accompagnée, afin de bien indiquer à chacun qu’elle n’était plus libre. Et David assumait, presque à la perfection, ce rôle d'ange gardien… de garde-« folle » surtout ! N’étant pas certaine de résister sans cesse à l’attrait d’une aventure, et refusant la perspective de quitter au bras d’un inconnu les lieux où elle se serait présentée pendue à celui d’un autre, ou en solitaire.
Pas même une fois... une seule ? Non… de crainte de se laisser aller à d’autres… et pourtant...
Attention ! Ne pas avoir le fard agressif : elle s’appliqua à bien poser le trait d’eye-liner, à en faire un composant naturel de son visage. Elle excellait en ce domaine. Suivant l’humeur, elle changeait aussi aisément d’allure que de parfum et, par les teintes adoptées, offrait à tous un aspect doux, mutin, sage ou sévère, mais également, parfois, très dur !
Au bureau, ils en avaient pris l’habitude. Son ombre à paupières ? Le baromètre de son état d’esprit du jour !
Ainsi, ce soir, elle se voudrait à l’unisson d’une atmosphère de lumière tamisée, ne paraître que tendresse et séduction. Elle savait jouer à la perfection avec la lueur des chandelles, dessiner une bouche pour la rendre affolante, déguiser un regard pour ne rien livrer d’essentiel.
Une petite garce ! Gentille, certes… mais malgré tout une garce !
Autrefois, Gabriel était fier de parader à ses côtés, l’entourant d’un bras, exhibant « sa femme», donc « sa propriété » ! Gabriel, encore lui ? Qu’il défilât ailleurs... Bon vent !
Deux coups brefs à la porte ! David était là et elle, pas encore vêtue ! Elle enfila un peignoir ultra court, hésita à peine en constatant qu’il lui couvrait tout juste les fesses, et courut lui ouvrir…
Il arrivait à point nommé pour l’aider à choisir.
- Julie ! Tu n’es pas prête !
- Tu vois bien que non, s’écria-t-elle en l’attrapant par la main et le tirant après elle jusqu’à l’intérieur de sa chambre. Où elle le lâcha pour se saisir des deux robes, encore sur cintre, déposées sur le lit.
- Dis-moi... à ton avis… La verte ou la noire ?
- La petite verte ? Pas question, je connais déjà, bien assez pour savoir qu’il est trop risqué de t’escorter avec ce simulacre de vêtement sur le dos. L’autre est parfaite, et j’adore une femme en robe longue.
- Ah, oui ? Bon choix, précisément celui que j’escomptais. Deux minutes et je te rejoins.
- Un coup de main pour la fermeture ?
- Pas le moindre ! Sers-toi un verre en attendant. Dis ! Comment t’en es-tu tiré avec ma nièce ?
- Ta nièce ? Ôte-moi d’un doute, quel âge as-tu en réalité ?
Elle le regarda de travers. Pourquoi David évoquait-il la fuite du temps ? Était-elle si évidente sur elle ?
Elle passa dans le dressing attenant à sa chambre, se plaça devant le grand miroir qui en recouvrait toute une paroi, se dépouilla du peignoir et s’appliqua à détailler, un instant, la silhouette qu’il lui renvoyait. Et, souriant à son reflet, elle décida qu’elle n’avait rien à envier à une adolescente… à toutes ces jeunettes qui ne savaient pas même s’attifer.
- Suis-je obligée de m’en souvenir ? Cria-t-elle à l’intention du jeune homme qui patientait dans la pièce voisine… Alors, puisque tu me le demandes, j’ai… fffff… j’ai treize longues années de plus qu’elle. Je suis arrivée très tard chez mes parents, un revenez-y qui a porté ses fruits. La dernière-née mais… Et zut !
Elle se contorsionna pour attraper la minuscule boucle de la fermeture éclair et la remonta tout en revenant auprès de David.
- Alors ? Comment me trouves-tu ?
- La dernière mais... certainement la plus réussie ! Je vais avoir du mal à tenir les loups à distance ce soir. Tu n’as aucune pitié !
- Tu es très élégant aussi. Nous y allons ?
- Pressée de traverser l’arène ! Celui qui te matera un jour existe, sais-tu, et vos routes finiront bien par se croiser. J’ai la ferme intention d’assister au spectacle.
- D’abord, mon âge, ensuite mon caractère ! Tu es exécrable. Peux-tu me dire ce que me vaut une pareille attitude ?
- Tu ne devines pas ? Justine ! Tu vas payer ce qu’elle m’a fait endurer aujourd’hui.
- C’est tout moi à vingt-trois ans ! Je croyais que vous alliez vous entendre comme larrons en foire. Navrée !
- Te ressembler ? À toi ? Alors, je promets de faire un effort car tous les espoirs lui sont permis. En route, le carrosse de votre Altesse est avancé.
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:46

Chapitre 4

- Madame Castel ! Cela faisait si longtemps ! Vous me manquiez et je suis ravi de vous voir.
- Moi aussi, mon cher Lucciano. Dites-moi… beaucoup de monde, ce soir ?
- Non, l’ambiance est exactement telle que vous l’aimez.
« Chez Lucciano » ! Julie y avait ses habitudes, elle en appréciait le raffinement de la décoration, la discrétion du personnel, et, accessoirement, la cuisine.
Sans plus attendre, elle se dirigea vers « sa » table, précieux héritage de son divorce. Stipulé noir sur blanc : interdiction à Gabriel de l’occuper ! Elle aurait tout concédé en échange de cette seule exigence ! Ridicule ? Sans doute ! Néanmoins, cet inestimable privilège lui donnait le réconfortant pouvoir de faire payer à une brute quelques humiliations pas totalement digérées.
- Chaque fois que nous venons ici, j’ai l’impression d’être le Prince Consort de sa Majesté la Reine !
- Les miettes d’un passé brillant, sans plus !
- Et toujours cette table ! C’est incroyable !
- Tu n’y comprends rien ! C’est « ma » table… La meilleure pour un repas tranquille sans rien perdre de la salle. Tu entends cette musique ?
- Si tu veux, nous passons notre commande et ensuite je t’offre un tour de piste.
- Tu sais bien que ce n’est pas la peine ! Qu’il est inutile de t’inquiéter du menu ! Lucciano connaît mes goûts, tu peux être certain qu’il se souvient très bien des tiens, et il va se mettre en quatre pour nous étonner ! Ah ! C’est un vrai magicien ! C’est pour cela que j’aime tant venir ici, j’y entre de même que j’aborderais un rivage où l’imprévu m’attendrait à chaque pas, y compris dans mon assiette.
- Tu acceptes donc quelquefois de laisser les décisions à un autre ?
- Que crois-tu ? Je suis comme tout le monde. Alors, que me proposes-tu ? Valse ou tango ?
- Valse ou… Tu te moques de moi, là, dis !
- Évidemment !
- Ouf ! Allez, en avant ! Et ne souris pas ! J’ai du mal à résister moi-même, alors imagine ces hommes autour de toi !
Belle, par une démarche légère, par un regard glissant autour d’elle, captant chaque détail sans rien en laisser paraître. Mais interdite à tous par la manière de se retenir d’une main possessive au bras de David, la tête presque posée sur l’épaule masculine, et par la totale, bien que feinte, indifférence affichée à l’intention des yeux qui la suivaient.
- Il n’y a personne que je connaisse ! Quel dommage !
- Vraiment ? Tu dis pourtant aimer la nouveauté.
- Ne cherche pas à comprendre, c’est entre moi et moi.
- À d’autres ! Je te connais trop bien. Jusqu'à m’en paraître transparente ! Au point de deviner le besoin de te prouver, ainsi qu’à ceux qui t’ont connue, que tu n’es pas devenue une antiquité.
- Mufle ! N’exagérons rien... Neuf ans, ce n’est pas si loin dans le passé !
- Pas tellement en effet, surtout en rapport au chemin parcouru depuis. Madame… je suis fier de toi ! Me feras-tu l’honneur de m’accorder cette danse ?
- Un slow ! T’as de la veine, hein ! Le taquina-t-elle ! Et oui, je veux bien… avec plaisir !
Un plaisir qu’elle trouva aussi intense qu’à ses vingt ans.
Ils glissaient, enlacés, un couple parmi d’autres, mais avec cette aura singulière que seulement quelques-uns dégagent. Jusqu'à ce que les yeux de Julie s’arrêtent sur un Lucciano se hâtant vers eux, affolé et gesticulant.
- Aïe ! David, je crois que l’inattendu s’annonce ! Viens, allons voir ce qui contrarie le maître des lieux.
- Madame Castel ! Monsieur vient d’appeler pour retenir quatre tables… il arrive, avec des amis…
- Lui avez-vous dit que j’étais là ?
- Oui… mais…
-… cela ne l’a pas incité à se rendre ailleurs.
- Non… Et, au contraire… je suis désolé… j’ai eu l’impression que… qu’il… qu’il en était plutôt content… Alors j’ai pensé vous avertir et…
- Vous avez bien fait… Qu’avons-nous à dîner ce soir ?
- À dîner ? Euh… je vous ai gâtés ! Encore deux petites minutes de patience et vous saurez.
- Merci Lucciano, je vous adore.
Le ton à peine tendu… Mais pourquoi être surprise de la tournure des événements alors que, depuis le matin, tout allait de travers dans son univers ?
- Julie ? Si tu veux, nous pouvons...
- Partir ? Tu es fou ! J’y suis, j’y reste ! Asseyons-nous, et commande-moi quelque chose de fort.
- Tu as besoin de ça pour l’affronter ?
- Pas lui, du moins, pas ainsi que tu sembles le supposer. Excuse-moi, il me faut un moment pour me calmer. Ce n’est pas vrai ! Je craque ! Regarde qui est là aussi ! À croire que cet endroit va devenir le lieu de rendez-vous de tous mes cauchemars.
La coupe était pleine ! J. Gauthier, ici ! Mais qui, apparemment, ne l’avait pas vue encore. Elle qui ne rêvait que de détente, d’oubli… une réussite ! Pas mal, cette fille qui l’accompagnait, un style un peu extravagant, mais cependant très attirante… Ce qui indiquait que, dans ce domaine du moins, Julien avait bon goût ! Ah, non ! Cette dernière n’était pas pour lui si elle se fiait au baiser passionné donné par ladite demoiselle à l’homme qui venait de les rejoindre ! Bien fait ! D’ailleurs… quelle femme sensée pourrait s’intéresser à un pareil bonnet de nuit ?
Ce type l’avait littéralement épuisée. C’était à cause de lui - encore ! - qu’elle se retrouvait dans cette situation. Uniquement pour oublier le harcèlement qu’il lui avait imposé.
Des chiffres, des comparaisons, des questions à n’en plus finir ! Elle avait même perçu, à un certain moment, qu’il souhaitait la voir reconnaître quelques erreurs dans la manière de concevoir la gestion de son service ! Au point de devoir réunir toute son énergie pour garder un semblant de calme et maîtriser tout geste d’agacement.
Il était pratiquement parvenu à lui restituer toute une sensation d’insécurité, celle de ses débuts, de ce temps où elle était gauche, hésitante, malhabile à s’imposer dans son travail. Une période très courte mais qui avait imprimé dans son inconscient un réel sentiment de malaise. En fait, ayant été vulnérable dans le passé, rien ne lui garantissait qu’elle ne pourrait l’être encore un jour… demain !
Durant quelques secondes, Julie avait eu également l’étrange et désagréable impression que, peu à peu, les rôles s’étaient inversés, qu’il était le « chef » et elle la « stagiaire » ! Cela avec assez de netteté pour la pousser, subitement, à prendre le ton que tous détestaient autour d’elle : un fluide acide et glacial.
Le bougre ! Pas sot pour deux sous ! Pour lui, elle devait être aussi limpide que du cristal. Rien qu’à observer sa façon de hausser le sourcil à la première remarque ironique qu’elle lui avait jetée… et qu’il avait eu la sagesse de ne pas relever. Tout autant que les suivantes !
À midi, ayant accepté une invitation pourtant formulée du bout des lèvres, il les avait suivis jusqu’à leur petit restaurant habituel. Là, ayant plus que du talent pour orienter les propos comme bon lui semblait, Julie avait pris un malin plaisir à le tenir à l’écart de leur conversation. Autant se l’avouer, elle avait surfé sur la frontière de la grossièreté avec lui.
C’était aussi cela qui lui avait donné l’envie très forte de se plonger dans une atmosphère raffinée. Pour effacer d’elle ce qu’elle y avait dessiné de désagréable tout au long de cette abominable journée.
Gabriel d’un côté, Julien Gauthier de l’autre ! Adieu à son ambition d’une bonne soirée. Et David, malgré ses nombreuses qualités, n’était pas de taille à éclipser deux personnalités si bien trempées ! Trop jeune, trop spontané, parfois naïf, pas assez roué pour jouer le rôle qu’elle aimerait tant lui voir tenir.
Cette soif de revanche ! Elle ne lui laissera donc jamais un instant de répit ? La ressentir si fort ne pouvait que signifier qu’elle demeurait reliée à son ex mari, d’une manière ou d’une autre, pas enfin indifférente !
- Julie, tu en oublies ton assiette. C’est délicieux ! Un crime d’en laisser une miette.
- Oui, c’est comme tu veux ! Pardon ? Tu disais ? David, gronde-moi, je suis impardonnable ! Je gâche ta soirée.
- Surtout la tienne. Tu n’as jamais fait allusion à ton union. C’était si moche que ça ?
- Pour être sincère, c’était une vie que beaucoup de femmes souhaiteraient certainement avoir. Ce serait trop difficile à expliquer.
- Je ne veux pas te forcer à en parler.
- Non, cela m’est égal, mais… Comment te décrire la débâcle d’un mariage d’amour ?
Gabriel lui donnait tout. Des cadeaux classiques, tels fleurs, parfums, bijoux… à d’autres bien plus onéreux… tableaux, sculptures, éditions rares… Un distrait regard sur quoi que ce soit et Julie l’avait, même sans le souhaiter vraiment. Au point de ne plus oser poser les yeux sur rien. Une existence sans désir… Qui pourrait imaginer ou comprendre ce que cela représentait ?
Jusqu’à ses vêtements ! Il les choisissait pour elle, tous, sans exception… même ceux qui ne se montrent pas. Son mari prenait plaisir à la modeler à sa convenance, avec un goût parfait, avec réussite, elle devait le lui concéder, mais, quelque part... c’était elle qui ne se reconnaissait plus.
Elle en était arrivée à détester également le ton qu’il prenait pour la présenter aux hommes qu’il fréquentait, sa façon d’appuyer sur le possessif. Il disait « ma femme » avec la même intonation qu’il eût dit « ma chose ». Au point, qu’elle se sentait étouffer sous l’impression de ne plus avoir d’identité véritable...
- Durant toutes ces années de vie commune, il ne m’a jamais demandé mon avis sur quoi que ce soit… et… et le reste ! Je préfère ne plus y penser !
- Beaucoup d’hommes lui ressemblent. T'es-tu regardée dans un miroir, ce soir ? Il devait être fier de toi, heureux de montrer à tous « sa » chance de t’avoir épousée.
- Du style : « Sois belle et tais-toi ! » ?…
Très peu pour elle !
- … merci bien !
- Non… ce n’est pas cela… tu es bien trop intelligente pour qu’il n’y ait eu que…
- … Mon physique ? À la limite, cela me consolerait…
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:47

Mais Gab, de son propre aveu incapable de partager le quotidien d’une femme « stupide », n’appréciait qu’une certaine élite intellectuelle et disait qu’elle en était le meilleur exemple. En revanche, pour ce qui était de lui accorder la moindre parcelle de pouvoir de décision, il en allait tout autrement. Que dire aussi du ton qu’il employait pour la convaincre lorsque, à l’occasion, elle tentait de se faire entendre ! Celui dont on userait pour persuader un enfant têtu !
- ...et il n’y avait pas que ça…
- Tu l’as supporté combien de temps ?
- Quatre années interminables.
Sans compter les deux autres, à se battre pire que des chiffonniers, avant que soit prononcé le divorce. Et même plus tard… de longs mois encore durant lesquels rien n’avait changé dans l’attitude autoritaire de Gabriel. Il avait même doublé le montant de la pension mensuelle fixée lors du jugement… Pour bien lui montrer, qu’en finalité, c’était lui, et lui seul, qui décidait.
- Mais… et ce n’est pas suffisant pour en vivre ? S’étonna David.
Largement ! Mais Julie n’en voulait pas, pas un centime. Gabriel allait se retrouver à la tête d’une petite fortune : elle bloquait les sommes sur un compte pour, un jour, dès qu’elle en trouvera le courage, lui faire un virement global.
Elle sourit, un peu amère devant l’air éberlué de son compagnon. Lui avait-elle parlé des cadeaux dont son « époux » la submergeait ? Non ? Il n’avait qu’à aborder la question avec Claudine, c’était elle qui se chargeait de les renvoyer.
- Il persiste encore ?
- Pour lui, rien de plus normal.
Du point de vue de cet entêté qu’elle avait eu la douce folie d’épouser, ils étaient toujours mariés… et leur séparation, rien de plus qu’un vulgaire caprice qu’il avait la largesse de tolérer.
- Il attend que ça me passe, que je lui revienne... pour un jour, sans doute, me quitter, lui !
- Tu exagères ! C’est...
Exagérer ? Que savait-il, lui, gamin présomptueux, des passions qui agitent certains êtres ? Gabriel était l’un de ces hommes qui se disent amoureux mais qui ne savent pas aimer… qui aiment très fort, mais suivant leur propre conception de ce sentiment…. Pas ainsi qu’elle concevait l’amour, pas comme elle l’avait souhaité. C'était tellement compliqué !
Quelle idée David se faisait-il d’elle ? Comment lui expliquer, tout lui dire sans le heurter, sans ombrer l’image qu’il avait d’elle ?
Gabriel, avait été… était toujours ! un amant merveilleux, qu’elle n’avait jamais su repousser totalement et qui la connaissait mieux que quiconque.
S’approcher de lui ?
Pas question de prendre un tel risque uniquement pour tester sa vulnérabilité sur ce plan-là ! Autant sonner à sa porte avec armes et bagages à ses pieds, deux coupes de champagne dans les mains, et en tenue d’Ève !
- Un peu de courage ! Après neuf ans de séparation...
- Pas vraiment...
- Comment cela ? Ne me dis pas que... après votre divorce ?
- Je dois avouer, que jusqu'à… il y a quelques semaines...
- Julie !
- Ben quoi ! C’était Noël… et les vacances... j’ai un peu perdu la tête. Et… et… c’était Gabriel ! Pas un inconnu qui passait par là !
- Tu affirmes souhaiter le voir cesser de te poursuivre, et tu entretiens un mariage en… en pointillés ! Vous me faites penser à deux voyageurs qui s’accordent des escales communes. Je crois surtout que tu ne sais pas ce que tu veux !
- Merci ! Crois-tu que ce soit facile pour moi ! C’était le seul aspect positif de notre union. Et pas qu’un peu ! Mais, je te jure que depuis je l’évite plus que la peste.
- Trouve-toi un autre compagnon !
Simple comme bonjour ! Aussi peu compliqué que passer une petite annonce du style « Femme, cherche homme, commode à vivre, et capable de lui en faire refuser un autre ».
Pour qui David la prenait-il ? Elle n’avait pas épousé Gabriel sur un coup de tête. Elle en avait été follement éprise et ne l’avait fui que parce qu’il l’étouffait.
- Pour accourir au premier claquement de doigts ?
- David !
Lui aussi était donc incapable de la comprendre !
Après s’être retrouvée seule, tous ces défauts lui avaient semblé, quelquefois, sinon insignifiants, du moins quasi supportables.
Assez pour qu’elle le regrettât, lui.
Alors, lorsque la solitude devenait trop pesante, les nuits trop froides, quand le silence rugissait d’angoisse... elle n’avait plus la force de dire non.
Un autre que lui ?
À quoi bon ! Avec Gabriel, elle savait comment s’y prendre. De toute façon, il ne le permettrait pas !
- J’ai essayé, tu sais, mais...
- Si je m’attendais... Alors, s’il nous surprenait, ici… ensemble et…
- Dégonflé ! Je ne pense pas qu’il condescende à t’agresser physiquement. À son avis, tu es bien trop jeune pour représenter une réelle menace. À la rigueur, il pourrait te considérer tel un jouet que je serais tentée de m’offrir, ou une distraction qu’il aurait la libéralité de m’autoriser. En revanche, s’il estimait sérieusement que tu comptes un tant soit peu pour moi, il ferait tout pour te diminuer à mes yeux, et te faire sentir le poids de sa supposée supériorité.
- Merci bien ! Si ton mari se montre aussi blessant que toi, je comprends que tu aies pris le large.
- Mon ex ! David ! Tu n’as aucune raison de te fâcher, je n’ai fait que t’expliquer le cheminement de son raisonnement.
- Je vais chercher ton vestiaire. Nous partons immédiatement, cela nous évitera une rencontre déplaisante.
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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:57

chapitre 5

Une réussite totale à laquelle elle pouvait applaudir ! Et David qui était vexé maintenant ! Julie hésitait, debout et immobile, au beau milieu du passage menant à la piste de danse, ne sachant plus que faire. Elle ne se supportait pas en situation de fuite !
Fuir ? Ce corps, derrière elle, si proche… à la frôler ! Ces mains possessives qui prirent sa taille… Ces pouces qui épousèrent, caressants, le creux de ses reins ?
Elle les connaissait si bien ! Autant que l’abandon auquel, infailliblement, ils savaient la réduire…
Elle en ferma les yeux, s’offrant presque davantage à leur contact. Cette voix… chaude et envoûtante... qui lui murmurait à l’oreille tout un bonheur de la retrouver, de la toucher, de la respirer…
Échapper à Gab ? Elle rêvait !
- Bonsoir, mon cœur… Tu m’as manqué… Comment fais-tu pour être plus belle à chacune de nos rencontres ?
- Gab ! Pas ici, pas de scandale !
- Mmmm… Oui, tu as raison, l’endroit est mal choisi. Que j’aime ce parfum ! C’est celui qui dit « regardez-moi, mais ne vous approchez pas ». Celui que je préfère. Je t’emmène où tu veux... tu n’as qu’un mot à dire et...
Canaille ! Tricheur ! Julie se sentit émue qu’il ait si bonne mémoire pour tout ce qui la concernait ! Pourquoi donc David tardait-il tant ? Où était-il passé ? Mais que pourrait-il contre Gabriel ?
Pour parfaire une situation absurde, voilà ce Gauthier qui ne perdait rien du spectacle qu’elle offrait en ce moment ! Était-il indispensable d’afficher une expression aussi effarée ? Elle-même, quelle impression donnait-elle, à moitié défaite entre les bras d’un homme, autre que celui qui lui tenait compagnie il y avait deux minutes !
Elle devait se tirer de ce guêpier, coûte que coûte !
Et remercier le ciel de se trouver dans un restaurant... Gabriel n’osera pas davantage... Ne serait-ce que par égard pour elle, pour ne pas l’humilier en public.
Elle frissonna aux doigts qui se détachaient d’elle, qui la libéraient... La libérer ? Sera-t-elle naïve toute sa vie ! Qui ne le firent que pour lui imposer un demi-tour avant de la reprendre aussitôt, pour mieux la contrôler par deux cercles puissants autour des poignets fragiles, pour l’amener face à lui, permettant à Gabriel de l’envelopper de ce regard qu’il savait toujours l’émouvoir.
- Je ne suis pas seule.
- Je sais, je viens de croiser David. Beau garçon, mais trop tendre pour toi ! À moins que, à force de t’escorter partout, il n’ait acquis certains droits... Julie, mon cœur, ôte-moi d’un vilain doute...
- Cela suffit, Gabriel ! Laisse-le tranquille, tu sais pertinemment qu’il n’est et ne sera jamais rien de plus qu’un ami.
- O.K. ! Que m'offres-tu en échange ?
- Quelque chose dont tu te souviendras jusqu’à ton dernier souffle si tu ne me lâches pas immédiatement !
Une ombre entre eux, qui se matérialisa par un bras qui entoura les épaules de Julie, une bouche qui effleura sa joue et des mots qu’elle peina à traduire.
- Chérie, je suis désolé de vous avoir abandonnée ainsi... Si vous me présentiez votre ami ?
Et Julie respira, uniquement consciente de la main qui l’attirait vers Julien et qui avait surtout le mérite de la dégager de celles d’un Gabriel trop surpris pour s’y opposer. Stupide et silencieuse, elle se tenait entre les deux hommes, presque hors de la réalité, sous une voix douce, d’une douceur qu’elle connaissait trop bien, celle qui annonçait le pire.
- Un ami ? Siffla Gabriel, mâchoire contractée. Vous vous trompez. Rien de moins que son mari, ce que, apparemment, vous ignoriez. Je n’ai pas retenu votre nom ?
Deux mots qui la ramenèrent à la réalité, avec toute son énergie et sa combativité !
- Ex mari ! Gabriel, tu es sourd ? Ex... Ce qui veut dire passé, fini, révolu, envolé, disparu, pfuuittt ! ! ! Mets-toi bien ça dans le crâne une fois pour toutes ! Et tu n’as rien à faire du nom de...
- Voyons, chérie ! L’interrompit Julien avant de s’adresser à Gabriel. Ainsi donc, vous êtes l’« ex » époux de « ma » Julie ! Je suis Julien Gauthier… et ravi de vous rencontrer enfin !
Une Julie qui se sentait sombrer en plein vaudeville alors que Julien, souriant et amène, resserrait l’étreinte autour de sa taille, la ramenant au plus près contre lui, d’un geste de propriétaire, totalement inconscient du défi que Gabriel pourrait soupçonner dans une telle attitude. Jusqu’où allait-il le provoquer ? Elle devait intervenir… l’empêcher de…
- Vous perdez la tête ! Cria‑t‑elle presque… Tous les deux ! Julien... cela suffit, vous ne savez pas sur quel terrain vous vous aventurez !
- J’adore ces lueurs de colère dans vos yeux, ce qui promet pour demain.
- Je vous en prie, cessez cela, allons-nous-en !
Elle savait bien qu’ils se ressemblaient tous les deux ! Aussi arrogant l’un que l’autre, mais davantage de maîtrise en Julien qui se montrait beaucoup plus décontracté que Gab... Pour l’instant !
- Un moment, nous ne sommes pas pressés… Que diriez-vous, cher Gabriel, de vous joindre à nous, pour une coupe de champagne ?
- Pourquoi pas ? Répondit froidement ce dernier.
- C’est parfait ! Nous allions justement fêter un quelque chose de… de « spécial » et il eut été dommage que vous n’y participiez pas !
- Vraiment ? Je ne vois pas…
- Je dois admettre que si vous ne l’aviez laissée filer…
Julie se figea… Que racontait Julien ? Que savait-il de leur vie, de leur séparation ?
- … elle et moi, aujourd’hui…
Gabriel fronçait déjà les sourcils sur le regard des mauvais jours... serrait les poings... et...
- Vous et… ? Reprit‑il, laissant en suspens la fin de sa phrase.
- Oui… Je sais, que pour cette occasion, elle désirait fortement vous avoir avec nous. N’est-ce pas, ma douce ?
Où Julien voulait-il en venir ? Et elle, que faisait-elle, là, à les fixer ainsi qu’elle aurait détaillé deux extra-terrestres ?
- Julie, pourrais-tu m’éclairer sur ce qui se passe ? Articula durement Gabriel.
Que pourrait-elle lui expliquer alors qu’elle-même n’y comprenait goutte… Et pourquoi la harcelaient-ils, ainsi… tous les deux ? Où se croyaient-ils ?
- Chérie, tu ne lui as rien dit ? S’étonnait Julien, légèrement grondeur. Tu me l’avais pourtant promis… Eh bien, Gabriel, je suis heureux de vous informer que, ce soir, nous célébrons...
« Que célébraient‑ils ? » s’inquiéta soudain Julie regard rivé aux lèvres de Julien.
‑ … Nos fiançailles !
Leurs… quoi ? Assommée… pire encore ! Elle n’entendait plus rien, se tenait, yeux ronds et bouche ouverte, en apnée totale, poumons oppressés et cœur affolé, incapable d’assimiler une telle élucubration. Tout autant que Gabriel qui, hébété et semblant y croire vraiment, la regardait comme... comme si elle était responsable des divagations de cet illuminé !
- Des fiançailles ? Tu en es donc là et tu ne m’en as rien dit… murmura-t-il d’un ton las.
- Gabriel… attends… ce n’est pas…
- Allons, Julie… La coupa Julien, il fallait bien qu’il l’apprenne un jour ou l’autre ! Voilà qui est fait !
Comment revenir en arrière… et effacer ces derniers mots ? Pourquoi Julien avait-il prononcé ces mots idiots ? Désormais, il risquait le pire, et elle... elle ! Seigneur, elle !
- Dans ce cas… profitez-en le temps que cela durera. Décréta Gabriel, ayant visiblement retrouvé toute maîtrise. Julie, mon cœur, je te laisse à… ces festivités. Quand tu t’en seras lassée ou que tu auras recouvré tes esprits… tu sais où me joindre. Quant à vous, Gauthier... un conseil : ne vous aventurez pas très loin dans cette voie... elle ne vous mènera nulle part et pourrait s’avérer... périlleuse.
- Avec Julie à mon côté ? Cela en vaut la peine, non ? Rétorqua Julien !
Qu’il se taise ! Elle savait combien Gabriel supportait mal que quelqu’un s’opposât à lui, et il suffirait d’un rien pour que... Oh, non ! Pas ici ! Elle n’oserait plus jamais remettre les pieds chez Lucciano !
- Rien n’est jamais définitivement acquis. Souligna Gabriel froidement.
- Je le sais, c’est ce qui fait la vie intéressante, parfois.
- Attention…
- Ne vous inquiétez pas, je saurai veiller sur elle ! Le coupa Julien, mettant ainsi un terme à leur discret affrontement. Excusez-nous, mais nous sommes attendus. Bonne soirée ! Venez, chérie, ma sœur nous fait signe. Tenez ! Voilà David ! Il était temps qu’il revienne.
Ses jambes ? Du coton ! Elle devenait sourde, sans force, ni réaction aucune. Fiancée ! Elle aura tout intérêt à décrocher son téléphone, à changer de numéro et... à déménager ! Elle allait trouver Gabriel assis devant sa porte à toute heure du jour et de la nuit... L’hôtel ! Elle ira à l’hôtel ! L’unique solution à adopter, au moins durant les prochains jours.
Julien était-il fou ! Qui lui avait demandé d’intervenir ? Où l’entraînait-il ainsi ? Croyait-il qu’elle pouvait courir dans un fourreau à peine assez large pour lui permettre de respirer ? Il allait se faire démolir. Il ne restera rien de lui après que Gab s’en sera occupé... et ce sera bien fait pour lui ! Elle qui ne rêvait que d’une vie tranquille ! Elle avait gagné le gros lot cette fois. Qui étaient ces gens ? Pourquoi David s’énervait-il ? Il n’avait aucune raison de le faire, lui ! Bonne idée qu’il avait eue de s’esquiver... Tout ce qui était arrivé depuis... c’était de sa faute !
De quoi parlaient-ils ? La raccompagner ! Qui ? Julien ? Jamais ! Et ce lâche de David qui acquiesçait. Sa veste ? Évidemment qu’elle allait la prendre. Encore un qui s’adressait à elle comme si elle n’avait pas plus de six ans ! Qu’avaient-ils à la dévisager ainsi ? Que lui tendait cet individu ? Un sac ? D’où sortait-il son sac !
- Julie ? Ça ne va pas ? Trop d’émotions à la fois ?
- Comment ?
- Vous n’avez pas l’air bien du tout.
- Moi ? Moi ! Oh ! Souciez-vous plutôt de ce qui vous attend ! Vous ne réalisez pas… Gabriel va vous éreinter et... ce sera tant pis pour vous ! Vous m’avez placée dans une position impossible. Qui vous a prié de vous mêler de ma vie ? Des fiançailles ! C’était la pire des sottises à avancer. Seigneur ! Il doit être dans un état de fureur incroyable et je vais avoir toutes les peines du monde à le convaincre que...
- Du calme !
- Me calmer ? Me calmer après que...
- Votre mari nous observe.
- Que voulez-vous que j’y fasse ! Lui mettre un bandeau sur les yeux ? D’ailleurs, il n’y a pas davantage de mari ici que de… que de fiancé… et cela depuis longtemps !
Elle se ridiculisait davantage à chaque mot prononcé. Quant à la sœur de Julien elle semblait se divertir comme jamais ! Julie changerait volontiers de place avec elle, immédiatement, juste pour voir si la situation l'amuserait autant qu'elle le laissait paraître.
- Il vaut mieux que je vous ramène chez vous.
- Vous ! J’ai envie de vous... de vous... si je pouvais...
- J’ai hâte de voir ça ! Allons-y, vous me montrerez en route. Hélène, je t’appellerai demain. Amusez-vous, les enfants ! En piste... « Chérie ! »
Qui l’autorisait à l’enlacer ainsi ? Toutefois, si elle faisait mine de se dégager, elle aurait à affronter Gabriel ! Patienter jusqu'à la porte, ensuite, un taxi fera l’affaire ! À moins que l’énergumène qui la serrait à l’étouffer n’en décidât autrement.
- Où m’emmenez-vous ?
- Au paradis… Hé ! Ne vous emballez pas ! Chez vous nous suffira. Et si vous vous décidiez à mieux jouer votre personnage de jeune fiancée follement amoureuse ?
- De qui ? De vous ? En effet… il faudrait être folle pour…
- Attention, nous approchons d’une zone à risques. Il est à deux doigts d’intervenir ! Cet homme tient à vous et je me demande si j’ai eu raison de l’éloigner.
- C’est bien le moment de vous en préoccuper ! Ne me serrez pas si fort.
- Cela vous ennuie ?
- Lui surtout. Vous ne...
Elle céda subitement à l’élan instinctif de se rapprocher davantage de Julien, seulement de deviner dans le regard de Gabriel une invitation à le rejoindre, à oublier leur différend. Non, elle ne devait pas s’y laisser prendre, ne pas supposer qu’il avait enfin changé. Elle savait bien que non… que son but véritable n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait toujours espéré en vain trouver en lui… qu’il ne voulait que récupérer ce qui lui avait, jadis, appartenu.
Si ce n’était… une étrange perception à laquelle Julie ne s’attendait pas et qui la fit trembler un peu.
- Ne me lâchez pas maintenant.
Une prière murmurée à l’oreille de Julien. Parce qu’elle avait eu le temps de lire un violent désir mêlé à une profonde tristesse dans les yeux qui la suivaient, et qu’elle n’était pas certaine d’y résister.
- Que ferait-il si je vous embrassais ?
- Lui ? Mieux vaudrait ne pas vous y risquer, et moi... moi, je vous en ôterais l’envie, une fois pour toutes.
- Diable ! Ce serait pourtant le meilleur moyen de le persuader que votre cœur est pris ailleurs !
- Je me charge de la suite à donner à « mon » histoire. Nous sommes loin, vous pouvez me lâcher.
- Pas question, ne vous retournez pas, il nous suit à trois pas.
- Je ne vous crois pas !
- Regardez, devant vous, son reflet dans la porte vitrée. À quoi dois-je m’attendre ? Est-il du genre à en venir aux mains ?
- Oh, oui ! J’en suis navrée pour vous car c’est bien la seule méthode qu’il connaisse pour éloigner radicalement de moi tous ceux qu’il juge importuns. Laissez-moi, je vais lui parler. Vous n’avez aucune raison de vous exposer à un coup de poing.
- Qui vous dit que je ne saurais pas le rendre ! Du sang-froid ! Nous sommes arrivés. Installez-vous, ordonna-t-il tout en lui ouvrant la portière d’un véhicule. Et essayez de me sourire... une petite grimace de circonstance !


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MessageSujet: Re: Poudre d'or   Poudre d'or Icon_minitimeSam 8 Déc - 22:58

Assise, à l’abri, elle pouvait voir Gabriel, qu’elle ne savait aimer encore ou plus du tout, debout, sur le seuil du restaurant. Quelques secondes, le temps que Julien mette le contact, s’éloigne sans accélérer plus qu’il ne fallait, sans hâte, pour montrer qu’ils n’avaient aucune crainte et qu’ils ne fuyaient personne.
- C’est fini, vous pouvez respirer.
- Pour le moment !
- Savez-vous que j’ai eu du mal à vous reconnaître ? Lui dit-il d’un ton léger.
- Comment ? Euh… La tenue sans doute. Rien à voir avec celles qui se portent pendant les heures de labeur !
- Dommage ! Vous êtes... bien plus que ravissante ! Je comprends votre ex mari, il est fou de vous.
- Du moment que vous le dites, c’est sans doute la vérité !
- D’ailleurs, pendant un moment, au début du moins, j’ai cru assister aux retrouvailles de deux amants et j’ai apprécié toute l’émotion qui s’en dégageait. Surtout de vous, pratiquement consentante.
- Très élégant de votre part de le souligner ! Pour tout dire, malgré l’échec de notre union et en dépit de toutes ces années de séparation, j’avoue qu’il exerce toujours un certain pouvoir sur moi. Je n’en suis pas totalement libérée.
- À quel point ?
- Euh… Disons que… même avec la meilleure volonté du monde, il m’est impossible de nier que, physiquement, Gab sait très bien comment s’y prendre avec moi et je ne parviens pas toujours à lui dire non. La chair est faible !
- Pardon ?
- Oui, je n’y peux rien... J’ai du mal à... Vous le faites exprès ? À moins que vous ne soyez trop coincé par une moralité rétrograde pour comprendre ce que je veux dire !
- Rassurez-vous, vous ne pourriez être plus claire dans vos explications. En revanche, je ne m’attendais pas à une réponse aussi... directe.
- Il faut bien appeler un chat, un chat.
- Je ne vous contredirai pas là-dessus ! Votre adresse ? Je me suis porté volontaire pour vous reconduire, mais je n’ai pas l’intention de rouler au hasard toute la nuit.
- Un hôtel, le plus proche du bureau. Et demain, à la première heure, j’enverrai Claudine chez moi, prendre des vêtements.
- Un... ? Je rêve ! Pincez-moi ! Madame Julie Castel en déroute ! Je savais que ce moment serait mémorable !
- Ravie de constater combien mes ennuis vous amusent !
- Écoutez, je vous accompagne jusqu'à votre porte. Vous vous enfermez à double tour, et vous n’ouvrez plus à personne. Le grand méchant loup ne vous croquera pas cette fois-ci.
- Vous ne savez rien ! Il va encore me harceler au téléphone.
- Débranchez-le !
- Fffffff !!! J’en ai déjà l’habitude. Il n'empêche que, demain matin, il m’attendra au pied de l’immeuble et…
- Je passerai vous prendre. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus, à moins que vous ne m’invitiez à dormir chez vous !
- Vous ! Chez moi ? Ne vous égarez pas en vaine supposition ! J’apprécie le service rendu, mais nous n’irons pas plus loin que « merci » et « au revoir » !
- J’ai dit « chez vous » et non « avec vous » ! Je ne suis pas fou au point de désirer qu’il en soit autrement ! Vous côtoyer est beaucoup trop dangereux !
- Je m’en doutais : courageux mais pas téméraire ! Vous avez peur de Gabriel, vous aussi… comme les autres !
- De lui ? Détrompez-vous. En revanche, à en juger par votre comportement avec les hommes, et à votre attitude suite à l’effet que vous leur faites, la prudence exige de se tenir à une distance raisonnable de votre petite personne !
- Vous ! Vous n’êtes qu’un goujat, et de la pire espèce ! Arrêtez ce véhicule !
- Cessez donc de prendre la mouche à chaque mot ! C’était un compliment ! Vous n’avez rien à craindre. Vous ne courez aucun risque en me permettant de vous ramener à bon port et je n’ai d’autre intention que vous rassurer. Alors ? Votre adresse ? Dois-je fouiller votre pochette ?
- Avenue du Prado, le 334. À cinq minutes. Dépêchez-vous, j’ai hâte de... me retrouver seule.
- Idem pour moi ! Demain matin, soyez prête à huit heures.
- Sept heures trente ! Sinon, je me débrouillerai sans vous.
- Pas de problème ! C’est un vrai plaisir ! Je n’ai jamais rencontré de ma vie une femme d’aussi désagréable. De quoi décourager un saint ou la moindre approche d’un individu normal !
- Parfait, je suis ravie de vous déplaire, voilà qui me garantit des lendemains tranquilles…
- Aucun risque que j’entre en concurrence avec votre ex mari ! Tout bien réfléchi, je me demande ce qu’il trouve en vous de particulièrement attirant : une jolie façade, mais rien derrière !
- Tant mieux… Vous, après lui… ce serait comme tomber de Charybde en Scylla… pire encore ! D’ailleurs seul un sot ou un faible d’esprit pourrait imaginer, qu’avec un... un... un animal de votre espèce, il puisse en être autrement ! Hé ! Cria-t-elle, projetée en avant par un inexplicable coup de frein, évitant de justesse se heurter au tableau de bord. Nous n’y sommes pas encore, pourquoi vous arrêter ?
- Pourquoi ? Pour ceci !
Elle n’eut pas le temps de réagir... et moins encore celui de reculer, de tenter de lui échapper.
- Ne me touchez pas ! Ne vous avisez pas...
- Trop tard, Julie ! Il ne fallait pas réveiller la bête qui dort... en chacun de nous.
Une brute ! Contre laquelle elle ne put rien, sinon demeurer inerte sous les mains qui capturèrent son bras et sa nuque, qui la contraignirent à subir la bouche qui violenta la sienne, sans force contre des lèvres qui insistèrent et exigèrent. Qui se montrèrent expertes, habiles et patientes. Qui devinrent douceur et caresse.
Jusqu'à éveiller en elle, malgré elle, un picotement sur la peau, un frisson qu’elle connaissait trop bien, qui la trahit, qui l’affaiblit. Une tentative pour le repousser, pensée, pas même esquissée, avant de céder à une vague incontrôlable, qui la fit docile, enfin soumise. Assez pour le déconcerter, qu’il en devienne attentif et soucieux de son attitude, pour l’amener à lui offrir l’initiative.
Et par cela, ce fût elle qu’il surprit à son tour. Elle, seulement habituée à répondre au désir de l’autre, presque dressée à lui plaire, à le satisfaire. Pas à recevoir ni à exiger.
Et ce fut elle qui demanda, qui provoqua, elle qui se dévoila audacieuse, et aussi avide que lui... au point de s’en effrayer soudain et de reculer.
Sans qu’il cherchât à la retenir.
Deux à reprendre souffle.
Et il suivit la confusion d’un regard un peu égaré, se muer en colère... contre lui seulement ?
- Julie... Je suis désolé...
- Je ne veux rien entendre !
- Je ne voulais pas...
- Taisez-vous !
Julien obtempéra, surpris devant une réelle fureu. A cause d’un baiser ? Rien de plus qu’un baiser... Seulement ? En revanche, voilà qui allait, à coup sûr, envenimer leurs rapports au bureau. Déjà qu’elle avait un fichu caractère !
Non... demain, elle aura oublié.
Lui aussi.
Lui ? Vraiment ?
Quand Julien lança le moteur ce fut bien plus pour dissiper un silence soudain trop lourd, entre eux, que dans le but de la ramener chez elle.
Ils n’échangèrent plus un seul mot jusqu'à l’entrée de l’immeuble… pas même un « merci » lorsqu’elle quitta le véhicule, dont elle s’éloigna, sans un seul regard derrière elle.
Comme promis, Julien attendit, quelques secondes… deux minutes… jusqu'à ce qu’une lumière troue l’obscurité, trois étages plus haut.
Bonne nuit, Julie !
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