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 Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...

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reginelle

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MessageSujet: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 4 Jan - 17:31

CHAPITRE 01


La baisse de régime des réacteurs m'arracha d'une inconfortable somnolence. J'étirai mes membres ankylosés avec un grand bâillement et ouvris les yeux face au plafonnier où un petit écran lumineux me conviait à attacher ma ceinture.

Tout en m'exécutant, je jetai un coup d'oeil à l'extérieur. Dans l'éblouissement d'un matin de printemps, le bœing cédait doucement de l'altitude alors que la baie de Long Island l'accueillait de ses gratte-ciel tendus hors de leurs ombres rampantes.

Je redressai le siège en position assise et m'y renfonçai avec un soupir de satisfaction.

Cette semaine à Paris avait été particulièrement éprouvante. Si j'en ramenais d'excellents contrats, je m'y étais surtout épuisé en compagnie d'une fille rencontrée à Saint Germain. Oh, rien de bien extraordinaire ni de très romantique. Rien de plus que l'une de ces relations tarifées, conclues devant un verre dans un bar à call-girls. Pas même réconfortante. J'étais impatient de rentrer à la maison, d'y renouer avec le confort douillet de mon fauteuil préféré, de me lover dans le silence et de savourer en solitaire la rondeur d'ambre rose d'un vieux Malt.

Dans le brouhaha ambiant de voix encore ensommeillées, je vérifiai la présence des clés de la Ferrari dans la poche intérieure de ma veste, et ramassai le porte-documents déposé à mes pieds.

Une hôtesse avançait dans l'allée centrale, vérifiant la bonne application des consignes de sécurité. Sa silhouette, ses prunelles vertes et ses cheveux blonds me rappelèrent la jeune femme quittée la veille à Roissy. Que je ne reverrais sans doute jamais. Mais, une de perdue...

Je me penchai de nouveau vers le hublot et la piste de l'aéroport JFK me sauta au visage. Bien que prendre l'avion me soit une presque routine, l'habituelle et désagréable appréhension à l'instant d'aborder le tarmac me noua fugitivement le ventre, mais l'appareil se posa sans incident et roula en douceur jusqu'au plus près du Terminal.

Au sas de sortie, la blonde hôtesse remplissait ses derniers devoirs envers son troupeau de passagers, les guidant tous avec fermeté, les saluant chacun d'un chaleureux sourire. J'eus l'impression que celui qu'elle m'adressait l'était davantage que pour d'autres, et je lui renvoyai le même accompagné d'un clin d'œil complice. Ce qui n'eut d'autres effets que de glacer l'émeraude de ses yeux et de modeler ses lèvres rieuses en une moue dédaigneuse. Ok ! Autant pour moi ! Voilà de quoi me rappeler ne jamais faire fi de mon physique ordinaire et oublier combien séduire m'était laborieux. Je haussai les épaules et m'éloignai sans regret… Oui… une de perdue…

Enfin à terre, je me hâtai de récupérer ma valise et me dirigeai tout aussi rapidement vers la douane. Précipitation superflue au vu de l'attroupement grandissant qui s'y formait.

Après une tout aussi brève qu'inutile hésitation, nul ne pouvant se soustraire à ces formalités, je rejoignis la foule disciplinée en files cosmopolites et bavardes et me posai au bout de celle qui me parut la plus courte. Je me délestai de mes bagages et allumai une cigarette. La première depuis de longues heures. Ce qui m'attira aussitôt quelques regards revêches dont je ne tins aucun compte. Bien au contraire ! Il ne s'en fallait plus que de quelques semaines pour que cette liberté me soit retirée… Encore une ! Pas question d'anticiper et au diable tous ces esprits bougons.

A quelques mètres devant moi, je remarquai une paire de fines chevilles. Je notais les mollets joliment galbés, les cuisses longues, les hanches étroites, j'appréciai la taille bien prise et la poitrine haute et toute en courbes douces, offerte à la caresse dans la plus que généreuse échancrure d'un chemiser de soie. Jusqu'à ce que des doigts s'empressent de la boutonner. Déçu d'être privé d'un aussi plaisant tableau, je levai vivement les yeux vers le visage de la séduisante inconnue et me heurtai alors à un froncement de sourcils outré et réprobateur. Je secouai la tête, navré de constater que l'hommage d'un regard admiratif et sans concupiscence puisse être reçu telle une insulte… Décidément, ce n'était pas mon jour de chance avec les femmes… mais ne jamais oublier… une de perdue…

En retrait des uniformes qui s'activaient au-delà des barrières, deux hommes en civil scrutaient attentivement la masse mouvante des voyageurs, consultant régulièrement des documents qu'ils tenaient à la main.

"Starsky et Hutch", me dis-je, en souriant. Le grand blond en blazer croisé et le petit brun en blouson de cuir ! Pas vraiment la même dégaine, certainement pas le même humour que les deux potaches de la série, mais ils me les évoquaient bien.

Je souriais encore lorsque nos regards se croisèrent. Mais lorsqu'ils se regardèrent l'un l'autre, puis les feuillets entre leurs doigts et moi de nouveau, et enfin, l'un l'autre encore, un étrange frisson me parcourut le dos. Et là, ils se mirent en marche.

Je me détournai d'eux très vite, avec le réflexe de me fondre davantage dans les personnes qui m'entouraient. Ce qui était absurde, totalement déplacé. Je rentrais d'un honnête voyage d'affaires, je ne fraudais pas, mes impôts étaient payés aussitôt qu'appelés, mon existence était on ne pourrait plus tranquille, je n'avais rien à me reprocher.

Je me rassurais toujours en recentrant ma vie dans ses limites ordinaires lorsque j'entendis une voix m'interpeller.

- Monsieur Grima ?

Je me tournai lentement et me retrouvai sans surprise face aux deux policiers.

- Oui, acquiesçai-je d'une voix atone, pas même étonné qu'ils connussent mon nom.
- Veuillez nous suivre, je vous prie, m'ordonna le blond Hutch.
- Vous suivre ? Répétai-je sans bouger d'un pouce.
- Nous devons procéder à un contrôle. Me précisa le brun StarsKy.
- Mais… bafouillai-je
- Juste un contrôle… Sont-ce là vos bagages ? Reprit celui au blazer en les pointant d'un mouvement du menton.
- Euh… oui… oui, je n'ai que ceux-là ! Mais je ne vois pas…
- Il n'y en aura pas pour longtemps… par ici ! Me coupa celui au blouson en m'invitant à avancer d'un geste de la main.

Ils m'encadrèrent discrètement et je ne pus faire autrement que les suivre jusqu'à un petit bureau. Non… ce n'était pas mon jour de chance.

Aussitôt entrés dans la pièce, un douanier en uniforme me désigna une table et me pria d'y déposer attaché-case et valise. Ce à quoi j'obtempérai docilement. D'ailleurs, avais-je le choix ?

Après avoir été débarrassé de tout son contenu, jusqu'au moindre bout de papier, mon cartable de cuir se vit examiné sous toutes ses coutures, dans tous ses replis, pétri et tiraillé sans aucun ménagement, jusqu'à être repoussé sur le côté, pour n'avoir rien avoué d'autre qu'une pleine innocence.

Je soupirai doucement, soulagé de le voir s'en tirer à si bon compte, mais grimaçai derechef alors que les doigts impatients de l'agent s'en prenaient à la serrure de la valise.

Ce fut dans un état second que j'anticipai sa demande et que je lui tendis la clé.

L'homme fronça les sourcils, une fraction de seconde à peine, avant de la prendre, et alors qu'il l'insérait et la tournait, je me surpris à frémir et à souhaiter très fort que cette histoire stupide s'achevât le plus rapidement possible.

Je me découvrais tremblant devant un inconnu, un type quelconque mais qui me devenait ennemi, et des plus redoutables car détenteur d'autorité. Je suivais avidement des yeux le va et vient de ses mains déplaçant un à un vêtement et objet de toilette de l'intérieur d'une coque rigide à la surface d'un plateau de bois stratifié, et ce fut avec un incompréhensible soulagement que je l'observai arriver au bout de sa tâche, s'assurant ainsi que rien de suspect n'était dissimulé entre chemises et chaussettes, entre mousse à raser et brosse à dents.

Quand il me parut évident qu'il en avait terminé, je ne pus m'empêcher de m'exclamer :

- Vous voyez bien qu'il n'y a rien ! Je peux partir maintenant !

Mais le grand blond en blazer s'interposa.

- Pas encore, Monsieur Grima. Il reste encore une petite vérification.

J'ouvrais la bouche pour protester lorsque je vis le douanier s'armer d'une pince et d'un tournevis et entreprendre de démonter le fond rigide de ma mallette.

- Eh ! Mais que faites-vous ! M'écriai-je ! C'est une Delsey ! Et elle m'a coûté trois-cents dollars !

J'avançai d'un pas mais le petit brun se glissa prestement entre la table et moi.

- Doucement, monsieur Grima, et reculez-vous. Nous appartenons à la DEA et nous avons de très sérieuses raisons de soupçonner que vous transportez de l'héroïne…
- De la drogue ? Moi !!! M'écriai-je, indigné ! Mais non ! Non ! Jamais !
- Laissez-nous faire notre job. Si nous ne trouvons rien…

Un grognement derrière lui l'interrompit, me poussant à regarder par-dessus son épaule, et je me figeai dans une stupeur indescriptible en voyant le douanier brandir dans une main une mince et rigide plaque à la couleur exacte de l'intérieur de ma valise, et dans l'autre un sachet de plastique bourré à craquer d'une substance blanche.

Je contournai "Starsky" et me penchai incrédule au-dessus du compartiment dévoilé dont j'ignorais jusque-là l'existence, pour y constater avec une horreur grandissante la présence de cinq autres paquets identiques au premier.

Une lame piqua la mince pellicule transparente, y préleva un soupçon de poudre et l'éleva vers les lèvres de "Hutch".

Littéralement tétanisé par l'irréalité de ce que je vivais, je ne m'étonnai même pas d'entendre la confirmation de ce que je redoutais.

- Héroïne, déclara-t-il calmement.

J'écoutais, j'entendais. Stupidement. Sans rien comprendre. Avec un seul mot dans le crâne : comment ? Comment ?

- Allez, tourne-toi, Grima, reprit le flic brun en attrapant mon bras, tu es en état d'arrestation.

Ce fut seulement au contact de sa main rude, de sa pression ferme sur mon poignet, que je pris la mesure exacte de la situation. De la merde dans laquelle je me trouvais.

- Je ne suis pour rien dans tout ceci. J'ignorais jusqu'à ce double-fond. Je vous le jure !
- Tu verras ça avec le juge, Grima. Pour l'instant, tu nous suis.

Je les regardais fixement. Il n'y avait pas une heure, ils m'honoraient encore d'un respectueux "monsieur"… et voilà que de me le voir retiré, cette respectabilité s'effondrait… ils me gratifiaient d'un vous… et qu'en à peine le temps d'en venir au 'tu', mon existence entière s'écroulait.

Je sursautai au claquement froid de l'acier qui me menottait. Poings serrés, je détaillais leurs visages, pendant qu'une voix récitait des mots, énumérait des articles et des droits dont je ne comprenais et ne retenais rien. Je les regardais, tous les deux, et l'autre derrière, qui rassemblait les vestiges de mon passé d'honnête homme. Je haussai les épaules, désabusé.

- OK. Je vous suis. Me résignai-je.

Je fis deux pas… et une pensée me vint… complètement absurde, déplacée.

- Et ma Ferrari ? M'écriai-je. Elle est au parking…
- On s'en occupera en temps utile, Grima. Avance ! M'intima le blond alors que le brun, valise au bout d'un bras, nous ouvrait la porte.

Je pensai à des yeux verts, à des cheveux blonds, à une silhouette.
Que je ne reverrais pas… Mais ainsi que mon père me disait… une de perdue…
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 4 Jan - 17:31

CHAPITRE 02


Ce fut en passant cette porte que je pris pleine conscience de ma situation. En quelques secondes.

Nous longeâmes une paroi de barreaux et chaque fois que l'ombre de l'un d'eux me giflait le visage je me disais que d'autres, bien réels et autrement solides ceux-là, allaient se refermer sur moi. Que chaque pas que je faisais me rapprochait d'eux. Que si je montais dans ce véhicule qui attendait quelque part à l'extérieur, si je le laissais m'emmener jusqu'à New York, jusqu'à un certain bâtiment, que si je mettais seulement un pied dans cet immeuble, je n'en ressortirais jamais libre.

En même temps que je ressassais tout cela, mille pensées tourbillonnaient dans ma tête, mille questions, mille suppositions. Et deux qui revenaient sans cesse : qui avait placé cette drogue dans ma valise ? Et combien de fois ? Combien de fois avais-je été utilisé ainsi ?

Ce trafic supposait un réseau entre la France et les USA. Et cela faisait deux ans que je travaillais à la Stacy Corporation. Deux ans que la Stacy m'envoyait tous les mois à Paris y collecter des contrats pré négociés, que je n'avais qu'à entériner d'un paraphe.

De banales opérations d'import export dont j'assurais la bonne exécution une fois de retour au siège. Rien que du parfaitement légal. Du moins, je le pensais. Et je me surpris à en douter.

Nous abordâmes le hall principal. Si je sentis l'infime hésitation des copies de Starsky et Hutch à affronter la foule grouillante et mouvante qui s'y pressait, je ne voyais pas encore quel avantage tirer de cette dernière, ni comment l'utiliser, ainsi menotté et encadré.


Il me fallait guetter l'occasion, la bonne, et ne pas la rater !

Tous les sens en alerte, je n'en continuais pas moins à tourner et retourner toutes les hypothèses possibles quant à l'éventualité d'une complicité au sein de cette putain de boîte.

Qui… qui m'y était assez proche pour avoir accès aisément à mes bagages ? Qui durant ces dernières heures ? Et d'assez stupide en plus pour user d'une méthode aussi éventée ! Quoique pour la stupidité, au niveau de mes collègues de boulot, le choix, ce n'était pas ce qui manquait !


Parce qu'il ne fallait pas être futé de trop pour procéder ainsi. Une valise et un double fond ! Qui était assez sot pour se lancer dans un tel trafic en sous estimant à ce point la technique ultra sophistiquée dont disposait la DEA ! Se servir d'un moyen aussi facilement détectable ! Un suicide…

Oui, un suicide… sauf que, dans l'affaire, le suicidé… c'était moi !


Starky et Hutch obliquèrent sur la gauche, tout droit vers les escalators menant à l'étage inférieur. Ils me tenaient entre eux aussi étroitement serré qu'un steak haché pris entre les deux pains d'un hamburger. Ce qui ne m'arrangeait pas du tout, la sortie vers les parkings se trouvant à ce niveau-ci. Issue qu'un rapide coup d'œil circulaire me situa à une vingtaine de mètres. A jouer plus longtemps le rôle central d'un Big Mac, je risquais de me retrouver poussé par deux cornichons dans un panier à salade, et présenté sur un plateau aux mâchoires voraces d'une justice aussi féroce qu'expéditive.

Il était plus que temps de me souvenir des quinze années d'active dans les paras, tant sur le terrain que comme instructeur. De faire confiance aux longues et douloureuses heures passées à torturer des muscles jusqu'à les rendre aussi efficaces que des armes. De céder les commandes de mon corps au baroudeur d'hier, en espérant qu'il ait gardé suffisamment d'agilité, de vigueur et de hargne pour tirer d'un mauvais pas le monsieur "tout le monde" que j'étais aujourd'hui.

Juste ne pas rater l'occasion… la bonne occasion… telle celle d'un lacet long d'une trentaine de centimètres ondulant après la chaussure droite du faux Starky, du léger décalage de ce dernier sur ma gauche. Telle celle qu'offrait la présence encombrante de deux bonshommes embarrassés dans leurs bagages. Pour l'un, outre un gros sac pendu à une épaule, il tenait à pleins bras un étui de cuir épais presque aussi grand que lui et dont la forme épousait celle d'une contrebasse. Pour l'autre, il ployait sous la charge de plusieurs besaces et peinait à tirer après lui les roulettes grinçantes d'une valise aussi volumineuse qu'une antique malle de cabine.

La bonne occasion et le bon moment… la fraction de seconde… l'espace temps parfait… tel celui de l'accès imminent aux escaliers mécaniques et leur perpétuel et irréversible déroulement vers le bas…

La bonne occasion et le bon moment… Le bon moment… celui que m'offrit la presque collision des deux types devant la première marche fuyante… L'espace temps que m'ouvrit l'écart que fit pseudo Starsky pour les éviter. Le bon moment… Lorsqu'il lança le pied droit pour initier le pas suivant, je plaquai fermement le lacet défait sous ma semelle gauche, brisant net son élan de marche. Sans attendre son total déséquilibre, je me projetai fortement en arrière et dans le même mouvement amorçai une volte face. Alors que le flic brun, fusait vers l'avant emportant avec lui contrebasse et contrebassiste dans la tentative désespérée de s'y raccrocher, le flic blond s'écroulait entre sacs et valise, et pendant que derrière moi des cris de rage et de douleur dégringolaient et s'emmêlaient aux vibrations discordantes d'un instrument malmené, je rattrapai Hutch au menton d'une pointe de chaussure assez percutante pour l'expédier direct entre les bras d'un Morphée complaisant.

N'attendant pas la fin de la chute des uns et des autres, je me lançai dans un sprint malaisé pour cause de poignets toujours liés dans le dos, uniquement concentré à rejoindre au plus vite un panneau lumineux suspendu entre sol et plafond, et sa flèche marquée "exit".

Je ne voyais, n'entendais rien, louvoyant dans un flot d'inconnus, redoutant heurter l'un ou l'autre et m'affaler, tendu vers le seul but d'atteindre l'issue indiquée. Que je m'ouvris d'un coup d'épaule.

Le parking n'était plus qu'à une dizaine de foulées mais je me posai quelques secondes à l'abri d'une camionnette. Et pendant que mon corps se tordait et se pliait en tous sens pour faire passer fesses et jambes derrière le cercle formé par mes bras et une chaîne d'acier, je soupesai à toute vitesse les options qui m'étaient offertes.

Pas question de tenter d'arrêter un taxi. Il m'était impossible de dissimuler les bracelets rutilants dont m'avaient paré les flics et pas un seul chauffeur en les voyant ne serait assez dingue pour m'accepter dans son véhicule. Inutile également d'espérer trouver sur place un refuge assez sûr pour y attendre la fin de recherches imminentes.

Dans un ultime effort, grimaçant de douleur et maudissant le sort de ne pas m'avoir fait naître contorsionniste, je ramenai enfin mes mains devant moi. Frictionnant mes poignets meurtris, je me redressai et jetai un coup d'œil prudent alentour. Traîner davantage dans le coin frisait le sabordage ! Je repris ma course, me dissimulant au mieux entre carrosseries métalliques et arbustes.

Le trousseau de clés de la Testarossa battait à chaque pas contre ma poitrine mais imaginer dompter les 440 chevaux de son V12 et la piloter ainsi menotté n'était que pure folie.

Mais folie pour folie…

Je savais avoir suffisamment étourdi les pâles duplicata des deux héros TV pour avoir eu le temps de mettre une bonne distance entre eux et moi. Ce fut pourtant avec la plus extrême prudence que je repérai et m'approchai de l'allée où j'avais garé la Ferrari quelques jours plus tôt, l'esprit taraudé par la crainte de ne plus l'y trouver ou d'y être attendu. En effet, il y avait encore la possibilité qu'elle ait été, au pire, déjà déplacée ou, au mieux, mise sous surveillance. Et dans la seconde hypothèse, si Starsky et Hutch avaient sans doute de la peine à retrouver une pleine efficacité, il ne leur était pas très difficile d'alerter les éventuels guetteurs.

Je soupirai de soulagement en apercevant enfin un museau familier dépasser d'un alignement de véhicules. Ma Belle était là, fidèle et superbe dans sa remarquable livrée jaune. Je fouillais malaisément la poche intérieure de ma veste pour en extraire les clés qu'un bruit de pas pressés me fit sursauter. Plus temps de lambiner ou d'hésiter.

En deux pas je me retrouvai à la portière, cliquai sur la télécommande d'ouverture et me laissai couler sur le siège. J'enclenchai la première, pied sur le débrayage, avant de mettre le contact. Ce qui m'assurait la pleine disposition de mes mains enchaînées pour la délicate manœuvre d'un démarrage sur les chapeaux de roues.

Dans un hurlement de pneus j'arrachai le monstre endormi de son emplacement de ciment et le lançai droit vers la sortie. Je n'eus que le temps de voir plonger blazer à ma droite et blouson à ma gauche que dans l'instant des coups de feu résonnèrent. Je fulminai soudain devant de tels connards capables de tirer sur une Testarossa, de prendre le risque de l'atteindre et j'enfonçai davantage l'accélérateur à en faire rugir de douleur le V12 en sur-régime.

Un coup de volant sur la droite et je levai le pied le temps de lâcher le volant et de passer la seconde. Quelques centaines de mètres me séparaient de la route que je dévorais à une vitesse folle pour me glisser habilement dans le courant d'une fluide circulation.

Tout allait bien… jusque là tout allait bien. A condition de ne pas m'interroger sur la durée du sursis que j'avais gagné. Combien de temps avant d'avoir toute une flottille lancée à mes trousses ? Quelle que puisse être la puissance d'un véhicule, il ne sera jamais plus rapide que les ondes téléphoniques. Il ne s'en fallait que d'une heure, deux peut-être, avant que mon signalement soit diffusé. Et avec ma Belle, difficile de passer inaperçu. De plus la garder serait la mettre en danger.

Et elle… si je la perdais… il n'était plus question de me consoler par un "une de perdue…"

Vingt kilomètres à couvrir pour me fondre dans la relative sécurité que pouvaient me procurer les rues et avenues de New York Où je devrais dénicher également quelque lieu apte à abriter la mécanique qui ronronnait entre mes doigts.

Et seulement le temps de les parcourir pour faire un nouveau point de ma situation.

D'abord le fric. Je n'avais qu'une centaine de dollars en poche. La pensée de l'argent dormant dans le coffre de l'hôtel abritant mon appartement m'effleura mais je la repoussai aussitôt. C'était bien le premier endroit que la flicaille investirait. Et je n'étais pas à l'abri d'un excès de civisme chez l'un ou l'autre des employés à la réception.

Mon portefeuille renfermait bien quelques cartes de crédit mais les utiliser serait jouer au Petit Poucet avec mes poursuivants.

Le panneau indiquant l'accès à la 678 se dressa face à moi et sans penser plus loin je m'y engageai. Elle conduisait tout droit à Forest Park et à son terrain de golf. Je savais pouvoir trouver dans les abords immédiats du club quelques endroits sûrs et discrets pour y parquer la Testarossa. La possibilité également d'y retirer autant d'espèces que possible et ceci au plus tôt. Le temps jouait contre moi. Le temps joue toujours contre ceux qui sont poursuivis.

Ceci fait, il ne me resterait plus qu'à emprunter un quelconque moyen de transport en direction de Brooklyn et là… eh bien, là… la traque commencerait. La mienne !

Restait à localiser le gibier. Qui m'avait fourré dans ce pétrin ? Qui, à la Stacy Corporation, était responsable de ce merdier ?

J'avais eu deux années pour apprendre à les connaître… Tous ! Et aucun parmi eux ne me semblait assez téméraire pour se lancer dans des affaires aussi dangereuses que celle-ci… quoique de danger, en y réfléchissant bien, il n'y en avait aucun pour l'instigateur de ce trafic. Même sous les pires tortures je serais bien incapable de fournir le moindre indice aux poulets. Alors qui ?

Et le nom de Dan Miller clignota dans mon crâne comme une guirlande de Noël !

Dan Miller… Dan Miller… Dan Miller…
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 4 Jan - 17:32

CHAPITRE 03

Un petit retour en arrière, pas très loin dans le passé. Quatre ans, seulement. Jusqu'à ce vol qui m'emmenait aux Etats-Unis pour la première fois. Je ne saurais dire pourquoi et comment je m'étais laissé convaincre par un ami de quitter l'armée. Peut-être parce que sa proposition survînt lors de l'un de ces moments de lassitude qui arrivent à tout un chacun.

Ces périodes de doute et de remise en question. Des interrogations du genre "Qu'est-ce que je fous encore ici… A quoi je sers… Qu'est-ce que je fiche de ma vie… "… Lors de l'un de ces écoeurements qui serrent la gorge et tordent les tripes pour trop de corps mutilés par des bombes, pour trop de cadavres gonflés de décomposition, arrachés à des eaux boueuses à l'aide de gaffes, mauvais harpons pour une macabre pêche au gros, pour trop de charniers pestilentiels, cimetières sans tombe de chairs anonymes, pour trop de regards de femmes terrorisées et d'enfants affamés. Pour trop de feu, de mort et de ruines. Pour se défaire d'une puanteur de sang qui colle aux narines au point d'en perdre le sommeil nuit après nuit.

Militaire de carrière… "carrière"… quel mot stupide ! Qui serait assez vain pour s'enrôler dans l'armée avec l'unique ambition d'y faire "carrière" ?… Et comment ? Sur un champ de bataille, face à la mort ? Alors que la première balle rencontrée, le premier affrontement au corps à corps peuvent envoyer ad patres avant même que de dire ouf ! Que s'en sortir debout et indemne, ou couché et agonisant, ne dépendent que de la précision du tireur ennemi ou de la force et de l'habileté d'un adversaire.

Etre soldat, que ce soit dans la marine, l'aviation ou l'infanterie, ce n'est pas une profession ordinaire. Ce n'est pas une "profession".

J'étais gamin et quelques mots entendus au cours d'un film. Je ne m'en souviens plus, du film, de l'histoire qu'il racontait, des acteurs. Sinon ces deux hommes discutant à la nuit, sur un arrière fond de bataille. Un civil et un officier. Et au premier qui dénonçait la guerre et son inanité, fustigeait l'armée et l'accusait de tous les maux qui le frappaient, lui, qui ne désirait pas davantage que "vivre tranquille du produit de sa terre et y dormir en paix", j'entends encore l'officier répondre calmement, froidement, lui désignant les silhouettes des sentinelles vigilantes autour d'eux : "Si vous, vous pouvez dormir en paix dans votre lit, c'est parce que ceux-là veillent sur votre sommeil. C'est parce que ceux-là se dressent entre vous et votre agresseur, lui font obstacle de leurs corps, tombent et meurent sous ses coups, que demain, vous, vous vivrez tranquille, cultiverez vos champs et verrez grandir vos enfants. Ces soldats, qui veillent sur les frontières sont l'ultime rempart qui préserve l'humanité de la folie des hommes".

"Ultime rempart"... Je me suis engagé dans l'armée de terre, dans les paras. Pour protéger et servir.

Et j'y ai récolté des médailles et pris du galon. Les premières pour des ennemis abattus, le second qui donne le pouvoir sur la vie de compagnons. Des actes de bravoure affichés sur le torse et l'épaule comme autant d'entailles sur la crosse d'un révolver.

Quinze années d'engagement pour combattre "la folie des hommes", et au bout, cette horrible interrogation : La combattre ou la servir ? avec la pénible sensation de n'être plus que son fossoyeur. Et au bout... ne plus savoir si oeuvrer dans l'intérêt d'une nation ou dans celui de ceux qui la gouvernent, ne plus savoir si être au service d'un peuple ou aux bottes de quelques-uns...

J'ai quitté l'armée. Ou plus exactement, je l'ai abandonnée. Car c'est bien un sentiment d'abandon que je ressens lorsque je pense à mon départ. Une désertion, la livrant ainsi sans défense aux instincts cupides d'ambitions sans scrupules.

Oui, lorsque cette offre d'association se présenta, je l'accueillis telles la réponse et l'issue que m'offrait le destin. J'avais des économies conséquentes, l'affaire me parut saine. Je l'acceptai et m'embarquai pour les US.

Six mois après avoir posé le pied sur le sol américain, la société partait en faillite, l'"ami" disparaissait corps et biens, et moi… livré aux créanciers et lessivé jusqu'à mon dernier cent.

Bien sûr, j'aurais pu rentrer en France et y reprendre du service. Mais je ne me voyais pas revenir à l'armée comme auprès d'une ancienne maîtresse délaissée pour une plus belle, la queue basse, contrit et vaincu.

Alors, je décidai de rester à New York et je m'accrochai. Mais il faut croire que je n'ai su trouver que des branches pourries. J'acceptais tous les boulots qui se présentaient, plongeur… docker… videur… n'importe quoi, jusqu'aux plus modestes. Que je ne gardais jamais longtemps. Une résistance de quelques mois que j'entretenais à coup de doses de mauvais alcool… De plus en plus d'alcool. Trop. Jusqu'à n'en plus vider que des verres dans des bars de plus en plus mal famés.

Entre deux jobs, je passais le plus clair de mon temps à traîner dans le West Side. Du haut des quais de l'Hudson, je confiais mes amertumes aux marées montant à l'assaut de Manhattan, et les pigeons de Central Park me distrayaient de mon ennui. Je promenais mes désillusions le long de la 7th avenue, de Harlem à la lisière du Bronx. A la nuit tombante, j'écumais les bars. J'aimais bien ceux où on pouvait jouer au billard dans des salles sombres et enfumées. Je m'installais au comptoir, commandais un verre, puis un autre… et encore un autre… et je demeurais ainsi, suivant d'un œil de plus en plus hagard des boules rouler et s'entrechoquer sur des tapis verts, dans des cercles de lumière crasseuse. Anesthésiant whisky après whisky un reste de conscience.

Elle se décline lentement la pente qui mène aux Enfers. Elle est jalonnée de chambres de plus en plus minables dans des hôtels qui n'ont d'hôtel que le nom. Jusqu'au soir où je n'ai plus eu en poche de quoi m'offrir même le plus sordide.

Cela faisait deux ans que j'étais dans cette ville.

Seulement deux ans pour me retrouver sur un trottoir de la 126th rue, un sac éculé dans une main, quelques pièces dans l'autre, avec une barbe de plusieurs jours et dans des vêtements que je n'aurais pas même offerts à un clodo.

Il y avait un bar à quelques mètres, où j'entrai avec juste de quoi payer deux ou trois verres.

C'est bizarre la vie. Les yeux noyés dans un fond de scotch, je ne pensais à rien. Juste passer le temps, retarder l'instant où il me faudrait affronter la nuit.

J'allais commander mon troisième et dernier verre quand une main se posa sur mon épaule.

- Lieutenant Grima ? Lieutenant ? C'est bien vous ?

Un coup de poing à l'estomac ne m'aurait pas sonné autant que de m'entendre ainsi interpeller par mon nom, par mon grade et en français !

Dans le miroir qui me faisait face, je voyais ma gueule de pochard, mes épaules affaissées, mes bras sur le zinc, et à côté ce grand type blond, qui me regardait intensément. Un visage qui ne m'était pas inconnu, que je situais dans le passé. Cela remontait à loin. Très loin. Dans une autre vie.

- J'en crois pas mes yeux ! Continua l'homme !

Je me tournai lentement vers lui fouillant fébrilement dans ma mémoire, comment s'appelait ce légionnaire croisé lors d'une opération quelque part en Afrique. Oui… c'était bien en Afrique. En Somalie… ou bien au Soudan. C'était au Soudan !

- Ne cherchez pas, lieutenant, me dit-il comme s'il lisait dans mes pensées, celui que vous avez rencontré autrefois n'existe plus. Ici, maintenant, je suis Daniel Miller. Et vous pouvez m'appeler Dan ! Précisa-t-il avec un clin d'œil amusé.

- C'est vrai, je suis désolé, articulai-je péniblement, mais votre nom m'échappe. Alors va pour Dan Miller ! Quant à moi, oubliez le "lieutenant", et contentez-vous de Robert… Mais, par pitié, épargnez-moi le "Bob" !

Il éclata de rire et s'accouda au comptoir tout en faisant signe au barman de nous servir "la même chose".

Mal à l'aise, j'allumai une cigarette.

- Pardon, me repris-je aussitôt en lui tendant le paquet froissé auquel il se servit.
- Je n'y crois pas encore, bafouilla-t-il tout en exhalant un nuage de fumée ! Après tout ce temps, vous trouver ici !
- Je n'en reviens pas moi-même d'être là, c'est tout dire ! Affirmai-je, sarcastique.
- Ouais… Je vois ça. Répondit-il sur un ton soudain sérieux.

Ce type s'avérait plus clairvoyant que je ne le supposais et je m'en agaçai.

- Ouais… Une mauvaise passe, ça arrive à tout le monde, reprit-il après un petit silence. Tenez, moi, lorsque nous nous sommes connus, eh bien, je n'étais pas un légionnaire comme les autres. Je veux dire, que ce n'était pas un vrai choix mais plutôt une solution.
- Une solution ?
- Ouais… Fallait absolument que je change d'air. Faut dire aussi que, à cette époque, j'étais encore un peu tête brûlée, j'aimais bien cogner. En plus j'avais vraiment envie de voir du pays. La Légion satisfaisait à tout ça alors j'ai signé pour trois ans, le temps de me faire un peu oublier, ici, à cause de… disons quelques erreurs de jeunesse.
- Ça a l'air d'aller maintenant.
- ouais… Ça roule bien… Et vous, Lieutenant ?
- Y'a plus de Lieutenant, Dan. Rien qu'un pauvre con qui s'est fait avoir par un soi-disant ami dans une affaire bidon et jusqu'au trognon !
- Ouais… ça arrive ces choses-là ! Mais y a pas eu mort d'homme, non ?
- Ouais… l'imitai-je

Nous nous regardâmes et partîmes simultanément dans un long et tonitruant fou rire. Dans le bar, les clients, imperturbables, n'en continuèrent pas moins de se pencher sur les tables et de frapper les boules. Nul ne semblait nous prêter attention, et, en dépit de l'affluence, aucun ne se risqua à occuper le vide qui s'était nettement formé autour de Dan et moi, nous isolant dans une sorte de bulle d'intimité.
Enfin calmé, Dan essuya ses yeux larmoyants, et prenant son whisky l'éleva entre nous pour un toast silencieux. J'en fis autant de mon côté, encore secoué de spasmes joyeux, et nous éclusâmes nos verres en chœur jusqu'à la dernière goutte.

- Ah ! Que c'est bon de rire, comme ça, déclarai-je, en reprenant souffle. Ça faisait longtemps !
- Vous en voulez un autre ? Me proposa-t-il en désignant la bouteille posée près de son coude.

Elle est bizarre la vie. Très bizarre. A ce "un autre", je me vis tel que j'étais devenu. Pas une épave, non… pas encore. Aussi longtemps que je restais dans ce bar, je n'en étais pas une. Mais je savais que, aussitôt la porte franchie je ne serais plus rien. Sans argent, sans domicile, sans boulot. Rien. Et je refusai son invitation.
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 4 Jan - 17:32

CHAPITRE 03 (suite et fin)


- Non merci, c'est assez pour ce soir, je crois.
- Ouais… Ok ! Se reprit-il aussitôt, en riant encore.

Dans le silence qui s'installa entre nous, et devant ma gravité toute reconquise, il sortit un étui plat de sa poche et me le tendit ouvert. J'en retirai un cigarillo et nous partageâmes la flamme de son briquet.

- Et maintenant ? Vous en êtes où ?

Cette question, trop directe à mon goût, m'irrita mais je m'efforçai d'y répondre avec détachement.

- Eh bien… je suis ici, en train de savourer un excellent Davidoff en bonne compagnie…
- Lieutenant !
- … et c'est un très agréable intermède dans mes emmerdes actuelles. Complétai-je à contre cœur.
- Ouais… bon… je vais faire le point pour vous. Pas de boulot, donc, je suppose pas une fortune dans vos poches. Et vous logez où ? A l'hôtel ?
- Jusqu'à ce matin… pour cette nuit, je n'ai pas encore décidé quel palace à ciel ouvert j'honorerais de ma présence.
- Ok. C'est parfait ! J'ai justement une suite qui est libre dans le mien
- Le vôtre ? Le questionnai-je, ébahi !
- Ouais… M'assura-t-il en partant à rire de plus belle. Mais j'veux pas que vous soyez déçu, alors j'avoue que "la suite", c'est seulement une chambre, chez moi.
- Ecoutez, Dan… c'est très aimable de votre part, mais…
- Erreur, lieutenant. J'suis pas "aimable"… et j'n'ai rien d'un "bon garçon", bien au contraire. Tenez, ce bar, continua-t-il après quelques secondes d'hésitation, il est à moi…
- Et alors ?
- Alors… vous n'approuveriez pas les affaires traitées en coulisses. Ouais… Vous voyez, j'suis pas un type recommandable. La seule période "propre" de ma vie se résume en ces trois années de Légion. Et j'y ai appris aussi pas mal de choses. En particulier, qu'on ne laisse pas un compagnon d'armes dans la mouise. Alors, vous ramassez votre sac et on s'arrache d'ici !

Je ramassai mon sac

Dan Miller résidait dans un immeuble cossu qui dressait ses façades de briques ocre et jaunes à l'angle de la 7th avenue et de la 118th rue. L'inévitable gardien veillait dans sa cage vitrée en compagnie d'un bouquin. Il leva la tête lorsque nous déboulâmes dans le hall et nous le saluâmes alors qu'il nous fixait de ses yeux ronds, étrangement muet, sans doute à cause de mon allure.

Un appartement spacieux, au luxe confortable. J'y demeurai trois semaines, le temps de faire peau neuve.

Et puis un soir Dan rentra plus souriant encore que d'ordinaire.

- Vous commencez lundi prochain à la Stacy corporation, m'annonça-t-il tout de go.
- A la… Stacy ? Répétai-je pris de court.
- Ouais… C'est une boîte d'import export qui travaille particulièrement avec l'Europe et vous y prendrez en charge le secteur "France". Ils ont un titre très ronflant pour ce poste, je suis sûr qu'il vous plaira !
- Qu'importe l'étiquette qu'il me colle pourvu que, moi, je leur convienne !
- Ouais… Et là, c'est à vous de jouer. J'ai appris ce matin que la personne qui occupe ce job, les lâche sans plus de préavis, alors j'ai foncé. Dans le passé, je leur ai amené quelques grosses affaires, je n'ai même pas eu besoin de le leur rappeler pour qu'ils acceptent de vous prendre à l'essai.

Et ce fut ainsi que je rentrai à la Stacy corporation.

Nous mîmes à profit les quelques jours que j'avais devant moi pour organiser ma future vie. Et si avant cela Dan n'avait jamais abordé la question "argent", il insista pour m'avancer les quelques centaines de dollars nécessaires pour me constituer une garde robe décente, louer et équiper un petit appartement, et avoir un minimum de réserves devant moi. Somme que je lui remboursai scrupuleusement jusqu'au dernier cent dès les premiers salaires.

Ce fut ainsi que s'écoulèrent les deux dernières années. Durant lesquelles je me fis une place confortable dans cette boîte alors qu'une amitié discrète se tissait entre Dan et moi.

Nous nous retrouvions parfois dans son bar, le Bloody's, ou bien à celui du club de golf, à Forrest park. Il s'était en effet mis en tête de m'initier à ce sport. Parfois il m'entraînait pour un week-end de pêche à Montauk beach. Des rencontres espacées mais toujours appréciées.

Cela faisait maintenant trois semaines que je n'avais plus de ses nouvelles.

Il était temps que j'en prenne.


Dernière édition par le Ven 4 Jan - 17:35, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 18 Jan - 12:24

CHAPITRE 04


J'avais quitté la 678 et je suivais l'Atlantic avenue, tout droit vers l'hôpital de St Anthonys. Il devait bien y avoir aux alentours des parkings sécurisés pour y laisser ma Testarossa. Pas question d'abandonner un rêve d'enfant, acheté à crédit de surcroît, au premier coin de rue venu.

Mon cerveau s'activait à fignoler un début de plan. Restait encore à trouver de quoi me défaire de mes bracelets. Pas difficile avec le bon outil, mais j'avais peu de chance de croiser une bonne âme avec une pince monseigneur dans une poche et plus encore prête à me rendre ce genre de service.

Le temps passant, mon inquiétude grandissait et la moindre sirène me vrillait les nerfs. Pas le moment de commettre une erreur en accélérant trop, ou en grillant un feu rouge.

Je tournai enfin à droite sur le Whoodhaven boulevard. Quelques tours de roues et je trouvai la retraite idéale pour ma Belle. Un accès automatique et un employé dans une guérite qui leva la tête à peine quelques secondes. J'attendis qu'il détournât le regard pour passer mes mains liées par la vitre baissée et me saisir du ticket. Je m'engageai très vite sur la rampe conduisant aux sous-sols. Je dus descendre jusqu'au quatrième pour trouver ce que je cherchais, une place assez éloignée des caméras de surveillance, derrière deux épais poteaux de béton qui dissimuleraient en partie le jaune de la carrosserie, un peu trop voyant. Je dus m'y reprendre à deux fois avant de me garer correctement et ce fut avec un soupir de soulagement que je coupai le contact ramenant le silence autour de moi.

J'y étais. Je me laissai aller sur le siège et allumai une cigarette que je décidai de savourer en paix.

En paix… c'était vite dit ! A chaque fois que j'élevais les bras pour tirer une bouffée, je sentais l'entrave irritante des bracelets. Je jetai un coup d'œil à leur fermeture et me rassurai en constatant qu'une simple tige métallique suffirait pour la forcer. A condition bien entendu d'en avoir une sous la main. Difficile d'espérer trouver une épingle à cheveux égarée entre les sièges, nulle femme ne les ayant jamais occupés. Détail que je décidai aussitôt d'ajouter à la liste des inconvénients d'une vie de célibataire. Dans les premiers et souligné de rouge ! A lui tout seul il faisait un sacré contrepoids à celle, très longue des avantages.

Je me penchai vers le vide poche et remarquai l'anneau du porte clés encore sur le démarreur. Je m'en saisis et l'étudiai de près. Exactement ce qu'il me fallait. Sauf que je n'étais ni Superman ni Robocop et que pour le défaire et lui donner la forme adéquate il m'aurait fallu des doigts d'acier. Et là, je pensai à la trousse à outils dont était équipée la Ferrari. Ce serait bien un comble de malchance si elle ne comptait pas une pince.

Je jetai ma cigarette à demi dégustée, actionnai l'ouverture intérieure du coffre et me ruai hors de l'habitacle. Je le re-intégrai quelques secondes plus tard avec une précieuse mallette de cuir que j'ouvris sans attendre. Et là, merveille des merveilles, non seulement il y avait la pince de mes rêves mais également toute une série de tournevis, du plus fin au plus épais. Le plus mince fit l'affaire. Avec quelques efforts, un peu de patience et sans la moindre écorchure. Heureux et libéré, je balançai allègrement menottes et tournevis dans la valisette et retournai ranger cette dernière à sa place.

J'allumai une nouvelle cigarette, et appuyai sur la télécommande de fermeture centralisée des portières. J'étais libre... et ma chasse commençait.

De nouveau sur Whoodhaven boulevard, je hélai un taxi et donnai la direction de Harlem au chauffeur. Je ne pensais pas que Dan fut réellement mêlé à cette affaire et il n'était pas question de lui causer des ennuis en indiquant son adresse. En revanche j'avais besoin d'assurer mes arrières et je ne voyais que lui pour m'y aider. D'un autre côté, il connaissait bien mieux que moi certains de mes collègues de boulot.

Le point sur lequel je me concentrais dans l'immédiat était "quand et comment" quelqu'un avait eu accès à ma valise.

Pour ce qui était d'y avoir glissé l'héroïne, cela n'avait pu se faire qu'à Paris. Par la fille qui m'avait tenu compagnie durant ces quelques jours ? Du fait que je l'avais choisie entre plusieurs dans cette boîte à call-girls, je n'y croyais pas du tout. Elle n'avait rien fait de spécial pour que je la remarque, juste une parmi d'autres.

Que je l'aie choisie, elle, n'avait été que pur hasard, et dans ce genre de trafic, le hasard n'avait pas sa place. De plus, elle n'était jamais restée assez longtemps dans ma chambre pour en avoir eu le temps.

Car cela n'avait pu se faire qu'à l'hôtel ! Je descendais toujours "Aux jardins de Montmartre" mais je n'y retrouvais jamais les mêmes têtes. A part deux filles d'étage et deux gars de la réception. Ce ne pouvait être que l'un d'eux. Ou bien quelqu'un de l'extérieur qui y avait ses aises. Un client, un habitué ou bien différent à chaque fois pour éviter d'être reconnu. Oui, c'était le plus logique. Quelqu'un de différent et équipé d'un passe. Ce qui n'était pas le plus compliqué à obtenir. De toutes façons, ce n'était pas de New York que j'allais pouvoir enquêter là-dessus.

En revanche le scénario était le même ici. Mon appartement n'était sans doute pas aussi accessible qu'une banale chambre mais cette came, il fallait bien la récupérer. Sans l'accueil des flics, à cette heure-ci, je serais déjà chez moi, et cette fichue valise vidée et rangée. Pour autant, il eut été difficile au destinataire de réceptionner les colis dans l'immédiat, ma présence sur les lieux le rendant impossible. Ce qui me laissait du temps. A condition que l'épisode de l'aéroport ne soit pas connu.

Demain, il en aurait été autrement. J'étais attendu au bureau. Sitôt la porte franchie pour me rendre à la Stacy, je laissais le champ libre. Mais bon sang… Six paquets d'Héroïne… Comment n'avais-je jamais noté ce détail, la différence de poids ?

Passé le pont de Queensborg, j'arrêtai le taxi sur la seconde avenue, à hauteur d'un alignement de distributeur de billets d'où je retirai le maximum d'espèces que m'autorisaient mes diverses cartes de crédit.

Mes pensées tournaient toujours autour de Dan. Non, plus j'y réfléchissais et plus il me semblait hors du coup. Pas lui. Pas le Dan qu'il était avec moi. Nous ne parlions jamais de "ses affaires", mais je ne pouvais ignorer l'éternelle présence de types aussi peu discrets que baraqués, aux vestons distendus à hauteur de rein ou d'aisselle. Je n'avais pas davantage de notion de son importance dans les rangs du milieu qui sévissait au cœur de la Grosse Pomme. Mais certainement pas un sous-fifre quelconque vu les mesures de sécurité qu'il prenait où que nous allions.

La seule allusion qu'il ait faite à cette face sombre de son existence, fut la réponse qu'il me donnât un jour suite à un regard interrogateur que je lançai sur ses sbires…"Ils ne sont pas là seulement pour moi" m'avait-il appris, ajoutant que si jamais quelqu'un décidait de le descendre, le fait que je l'accompagnât ne serait pas un obstacle. Qu'il était conscient des risques que comportait son "job", qu'il était prêt à y faire face, mais également qu'il avait le devoir de m'en protéger. Ce ne pouvait pas être ce Dan-là qui m'avait utilisé aussi lâchement !

Je jetai un coup d'œil à ma montre et grimaçai. Si l'après-midi était bien avancé, pas assez cependant pour espérer le trouver chez lui.

Il me restait la solution de le joindre par téléphone mais pas question d'utiliser mon portable. Les flics auraient tôt fait de se procurer la liste de mes derniers appels. La fouille de mon appartement leur livrerait bien assez rapidement des indices me reliant à l'un des membres de la pègre locale, je n'allais pas en rajouter.

Je fis une halte au premier kiosque rencontré et m'y procurai deux appareils jetables[1]. La technologie a parfois du bon !

Central Park également. J'y arrivai par la place de la Grande Armée, l'entrée au sud-est, qui offre l'un des plus beaux points de vue.

Quelques minutes plus tard, je m'installai confortablement à l'abri d'un bosquet, tout au bord de la Pond, et partageai hot-dog et bretzels avec de peu timides écureuils, avec les canards et les cygnes, gourmands, qui peuplent la mare, jouant durant quelques instants le rôle de Holden Caufield, personnage de l'Attrape-Coeur.

S'il est déconseillé, avec raison, de ne pas traîner la nuit dans les sentiers de sa forêt centrale, dans la journée, Central Park est une véritable oasis de prairies et de bois, de lac et de cours d'eau, d'allées et de fontaines, où se retrouvent tous les new-yorkais avides d'échapper un instant au stress imposé par leur ville aux dimensions surhumaines.

Patineurs et rollers s'y succèdent au gré des saisons alors que parties de base-ball et de pêche côtoient promenades à pied, en vélo et en calèche. Des concerts y sont organisés, surtout l'été. Parfois d'autres s'y donnent spontanément, musiciens du Philarmonic voisin ou Barytons de l'école de musique de Manhattan, venant y répéter partitions et vocalises. Durant les beaux jours, les nombreuses pelouses accueillent siestes et bains de soleil. A l'ombre d'arbres centenaires, des statues de grands écrivains veillent sur les bancs où toujours se posent des lecteurs. Un havre de paix.

Et j'avais besoin de calme.

La dernière bouchée avalée, je me décidai enfin à composer le numéro de Dan Miller sur l'un des téléphones jetables. Lorsque la communication bascula sur le répondeur, je raccrochai. J'hésitai à laisser un message que n'importe qui pourrait écouter bien avant son destinataire. J'allumais une cigarette, décidé à patienter un peu, lorsque deux gamins déboulèrent, courant et se bousculant.

- hé, les gars, les appelai-je en me redressant vivement.

Ils s'immobilisèrent à quelques pas et je leur montrai le téléphone dans une main alors que je sortais un billet de cinq dollars de l'autre.

- L'un de vous pourrait-il me rendre un service ? C'est pour faire une blague à un ami.
- Une blague, m'sieur ?
- Oui… juste un message à transmettre, et je ne veux pas qu'il sache qu'il vient de moi. Il y en a pour deux secondes et je vous file ce billet.

Ils se regardèrent et le plus grand s'approcha.

- Il faut dire quoi m'sieur ?
- Quelques mots, mon gars… attends …

Pendant que je lui expliquais ce qu'il devait dire, je recomposai les chiffres sur le petit clavier et à la première sonnerie tendis l'appareil au gamin qui s'en empara et recula prudemment tout en le portant à l'oreille.

- Ça répond pas, M'sieur… déclara-t-il presque à regret.
- Ça n'a aucune importance… lorsque tu seras sur le répondeur tu répètes simplement ce que je t'ai dit et tu raccroches aussitôt.

Le gamin hocha la tête et son visage s'éclaira d'un sourire. Il m'adressa un clin d'œil complice et je l'entendis articuler chaque syllabe, clairement, avec application.

Dès qu'il en eut terminé, je récupérai le téléphone et leur filai un billet à chacun. Ça le valait bien.

Nous nous saluâmes, satisfaits. Ils reprirent leurs courses plus riches de quelques dollars, et moi je me mis en route vers la 7ème avenue.

Le rire me vint soudain, en imaginant la surprise de Dan à l'écoute d'une voix d'enfant lui ânonnant :

- Oncle Dan ? Aujourd'hui ce n'est pas mon jour de chance, tu sais… Mais bon… une de perdue !



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[1] Mis en service en 2001… par Diceland… 60 minutes de communications pour 10 $...
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 18 Jan - 12:26

CHAPITRE 05



La salle du Bloody's était comble, toutes ses tables occupées et les boules s'affolaient et ricochaient sur les tapis de feutre vert. Les annonces fusaient dans l'ambiance brumeuse. La six, la cinq et la douze, la trois… Poche ! Bande ! Triangle ! Des voix éraillées de trop d'alcool, de trop de fumée. Les longues queues coulissaient entre les doigts maculés de craie. Bande ! Poche ! Bande… Out ! Pénalité ! Ici et là, des billets changeaient de mains et entre deux rires gras, les verres circulaient.

Je vidai le mien d'un trait !

En face de moi, la porte s'ouvrait, se fermait, s'ouvrait encore. Des ombres entraient, sortaient. Parfois juste un entrebâillement, où une tête se glissait pour un coup d'œil circulaire avant d'être refoulée dans la nuit extérieure par un trop de monde, un trop de bruit.

Chou blanc sur toute la ligne.

J'avais la sensation étrange d'un retour dans le passé. Le même bar avec le même fond sonore, le même barman au comptoir, corpulent et tranquille aux gestes lents et mesurés… ce bon vieux Mike. Les fidèles Smitty et Doyle… A peine un peu plus gras pour le premier, un peu plus chauve pour le second, leurs regards un peu plus noyés dans du mauvais alcool. Quant à moi, en dépit des quelques centaines de dollars qui gonflaient mes poches, ma situation était aussi désastreuse que lors de ma première arrivée en ce lieu. Je fis signe au garçon de m'apporter une bouteille de whisky. A m'enivrer, autant ne pas le faire au compte gouttes !

Aucune trace de Dan !

D'après le gars de la réception de l'immeuble, la dernière fois qu'il avait vu Dan remontait à une bonne semaine. Il s'était arrêté, comme tous les matins, ramasser son courrier, ils avaient échangé quelques mots mais pas un à propos d'une absence prolongée. Mike m'avait dit la même chose. Aucune nouvelle non plus, avec cependant la précision qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Que ce n'était pas la première fois que Dan se volatilisait ainsi. Que si jamais son boss avait eu un problème, lui, en aurait été déjà avisé.

O.K. Tout allait bien !

Sauf qu'un téléphone demeurait sourd et muet. Et je n'aimais pas ça ! J'avais du mal à rester en place et mes pieds battaient nerveusement la mesure sur un vieil air de Country. "On the road again"… Ce bon Willie Hugh Nelson ne croyait pas me bramer aux oreilles avec tant d'à propos ! "Sur la route encore", j'y étais bel et bien, et celle-ci était pavée d'incertitudes ! Quelle ironie, la vie, parfois !

La porte s'ouvrit de nouveau et je me redressai.

Bonnet jaune et écharpe rose sur pull noir. C'était bien d'elle ! Je souris à la main rapide qui libéra un casque de boucles sombres. Au ras de la frange brune, le regard bleu papillonna des uns aux autres. Une grimace amicale pour celui-ci, un geste pour celui-là, et pour Mike un clin d'œil affectueux qui évolua en interrogation lorsque ce dernier me désigna à son attention d'un mouvement du menton.

J'avais bien fait d'attendre.

C'est dingue combien d'informations quelqu'un de surpris transmet au travers de quelques expressions. Je devinai son désir de m'ignorer, de me tourner le dos, simplement au raidissement de son corps, maîtrisant un mouvement de recul spontané. Et j'en déduisis que les flics avaient certainement honoré de leur présence les locaux de la Stacy, et plus particulièrement mon bureau. Un froncement de sourcils signa la condamnation émise par les prunelles obscurcies de colère.

Je me surpris à fredonner stupidement le refrain de la chanson de Lavoine… "Elle a les yeux révolver… elle a le regard qui tue…"

Et ses lèvres se pincèrent en une moue réprobatrice juste sur les notes de "c'est foutu".

Sur quoi je haussai les épaules tout en écartant les mains, pour exprimer un fataliste "j'y suis pour rien".

A ma connaissance, Béatrice ignorait tout du langage des signes. Mais, heureusement pour moi, elle était quand même et surtout très intelligente.

Et dotée d'un self contrôle à toute épreuve.

Il ne fallut qu'une poignée de secondes à ma jolie secrétaire pour retrouver son impassibilité habituelle. Elle esquissa deux pas vers moi puis, après un bref regard appuyé sur la bouteille de scotch que je m'apprêtais à déflorer, elle dévia jusqu'au bar. Toute tendue sur la pointe de ses bottes, elle s'arc-bouta au-dessus du zinc dont elle fouilla la partie invisible. Elle en ramena un verre à peine lavé qu'elle secoua énergiquement tout en marchant pour le débarrasser d'un excès d'eau. D'un coup de genou, elle rapprocha une chaise de la mienne et s'y laissa tomber. Elle posa si sèchement le verre sur la table que j'en sursautai tandis que le claquement contre le bois lisse me percuta au point que je faillis ne pas entendre un "Alors ?" aussi lapidaire que glacial.

Béatrice avait aussi très mauvais caractère.

Ce qui ne m'empêcha pas de l'accueillir avec ce que j'espérais mon plus beau et chaleureux sourire.

- Alors ? Répéta-t-elle, plus froidement encore, ce que je pensais impossible, visiblement peu sensible à toute marque d'amitié et agacée par mon mutisme persistant.

Juste ce qu'il fallait pour m'en extraire.

- Alors, rien pour l'instant. Que s'est-il passé au bureau ?
- Non… Je pose les questions, Robert. Et je resterai ou pas suivant vos réponses. Pourquoi avez-vous les flics aux trousses ?

Vraiment mauvais caractère ! Elle voulait savoir pourquoi et je n'avais aucune raison de le lui cacher. Pour la première fois depuis le début de cette aventure, je trouvai la situation presque amusante.

- Pour pas grand-chose. Juste la bagatelle d'environ un demi million de dollars d'héroïne dans ma valise.
- Cinq cent mille dollars ? S'écria-t-elle, oubliant sa légendaire discrétion au point que quelques têtes se tournèrent vers nous.
- Euh… oui… si vous préférez le chiffrer comme ça… c'est pareil. Repris-je en chuchotant. A condition que mon approximation du prix du gramme soit bonne. Il y en avait à vue de nez pour trois kilos. A votre avis, ça vaut à peu près ça, non ?
- Robert… comment avez-vous pu… siffla-t-elle, dents serrées et prête à se lever.
- Hey ! Doucement ! M'empressai-je de la retenir, joignant d'une main sur son poignet, le geste à la parole. Doucement… Pas d'emballement, ni de conclusion hâtive ! Je n'y suis pour rien.
- Lâchez-moi ou…
- Ou quoi ? Vous voyez bien que vous ne risquez rien. Serais-je le dernier des salauds, il y a trop de monde autour de nous pour que je tente le pire. Alors, vous restez là, assise bien sagement, je vous offre un verre, et vous allez me raconter tout ce qu'il s'est passé au bureau durant mon absence. OK ?

Elle dégagea son bras avec une violence contenue et me fixa presque méchamment pendant que je débouchais la bouteille et nous servais généreusement. Puis, elle avala une gorgée et se laissa aller contre le dossier de son siège.

- Jusqu'à aujourd'hui, commença-t-elle, rien de particulier. La routine. Mais ce matin, ils ont déboulé avec des mandats de perquisition on ne peut plus en règle et ils nous ont parqués dans la salle de réunion pendant qu'ils fouillaient partout.
- Partout ? M'étonnai-je.
- Oui… partout ! Ce qui n'a pas été du goût de tout le monde. Particulièrement Gaynor et Whyth… délestés de quelques barrettes de shit et pas à l'abri de poursuites.
- Eux ? Eh bien, ça alors ! J'y aurais jamais cru !
- Robert !
- Ben oui… quoi ! De vrai collets montés ! Mais ça m'en fait deux de moins sur ma liste.
- Quelle liste ? S'étonna-t-elle.
- Celle de mes suspects potentiels.
- Oh ! Des suspects ? Et… et moi ? J'en fais partie aussi ?
- Vous ? Bien sûr ! Vous n'êtes pas assez gentille avec moi pour prétendre à un traitement de faveur !
- Vous êtes complètement dingue ! Me suspecter... moi !
- Et la plus adorable d'entre tous ! Mais continuez... continuez !
- Continuer quoi ? Il n'y a plus rien à dire... sinon que cet après-midi, ils ont embarqué votre ordinateur, le mien… et ils m'ont posé des questions pendant des heures. Tout ce que je pouvais leur apprendre sur vous... vos amis... votre train de vie... vos habitudes... Ils ne m'ont libéréE que très tard et je me suis précipitée ici, comme une idiote, en espérant m'y distraire un peu et oublier tout ça. Merci Robert !
- Mais de rien, Béatrice ! Moi, ils m'attendaient à l'aéroport ce matin. Je les ai eus sur le dos à peine le pied au sol.
- Comment ça… ils vous "attendaient" ?
- Oui… moi et pas un autre. Ils ne sont pas tombés sur ma valise par hasard. Ils savaient qui arrêter et où et quoi chercher.
- C'est impossible !
- N'est-ce pas ? Vous en voulez encore un ?
- Oui, j'en ai besoin aussi. Robert... dites-moi...
- Oui, Béatrice ?
- On ne joue pas, OK ? Alors simplement par oui ou par non... est-ce que...
- Non !
- Vous pourriez au moins attendre que je vous pose ma question ! J'allais vous demander si vous étiez vraiment innocent !
- Alors c'est oui...
- Bon... Oui... non... Je verrai... mais coupable ou pas, si vous étiez attendu à votre descente d'avion, il n'y a pas trente six raisons. Ou bien cela fait des mois que vous êtes sous surveillance... ou bien, vous avez été dénoncé !

Ce que j'approuvai d'un ample hochement de tête. Béatrice avait effectivement le pire des caractères qui soit... mais ce qu'elle était intelligente, bon sang !
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeVen 18 Jan - 20:01

CHAPITRE 06

Quatre heures du matin. Nous roulions en direction de Times Square. Béatrice pilotait la Toyota avec détermination et habileté dans les flots denses de la circulation. New York… "La cité qui ne dort jamais"… ce n'est pas une légende et la réputation de cette moderne Babylone n'est pas usurpée. Paris, la nuit, ainsi que bien d'autres métropoles, se défait de l'agitation qu'elle subit durant la journée et semble reprendre souffle avant le jour suivant. New York, elle, ne se repose pas. Aux premières ombres du crépuscule, elle se contente d'allumer les phares de ses véhicules, ses néons et ses panneaux publicitaires géants, dévoreurs de façades. Les vagues jaunes des taxis se succèdent au même rythme alors que les gratte-ciel ruissellent de milliers de points lumineux jusque dans les eaux de la East River. Les gens sont toujours aussi nombreux, aussi pressés sur les trottoir, dans les drugstores et les supermarchés. Les rues vibrent aux soleils artificiels. Restaurants et commerces, cinémas et théâtres, Music-hall et boîtes de jazz, bars et sex-shops brillent de toutes leurs enseignes. Les rames de métro grondent toujours dans ses entrailles. New York ! Quelle ville ! De démesure, de paradoxes, de contrastes.

Et qu'est-ce que je foutais là ?

Nous suivions le flux régulier s'écoulant sur fond de klaxons et de sirènes. Béatrice demeurait silencieuse, tendue et je n'avais pas envie de ressasser encore et encore des hypothèses toutes plus improbables les unes que les autres. Nous avions discuté durant des heures, passant chacun des employés de la Stacy à la loupe. Elle les connaissait bien, beaucoup mieux que je ne le pensais. J'avais oublié un détail. Mon boulot… Cet emploi que j'occupais, qui m'envoyait tous les mois en France, je ne le devais qu'à la défection de celle qui m'accompagnait en cet instant. Et son irritation palpable, uniquement due au soupçon tenace d'avoir elle-même été utilisée autrefois comme moi aujourd'hui.

C'est fou ce que l'alcool peut délier les langues.

La bouteille de scotch n'avait pas suffi. Nous n'avions quitté le Bloody's qu'après en avoir éclusé une seconde. Il nous avait bien fallu cela pour en revenir à la légèreté, à l'ironie et au cynisme.

Avant d'en arriver à sa proposition de m'héberger pour la nuit, nous nous étions lancés dans toute une série de suppositions. Et là, en plein milieu d'une phrase, elle s'était arrêtée net de parler. Pâle et les yeux plus sombres que jamais. "Et moi ?" s'était-elle écriée… "Qui dit qu'ils ne se sont pas servi aussi de moi ?" Soudainement furieuse, elle avait quitté son siège, ramassé son sac et m'avait planté-là, le temps d'un tour aux toilettes, histoire de se passer de l'eau sur le visage, de se reprendre, avait-elle dit. Et durant ces quelques instants de solitude les souvenirs de mes premières semaines dans cette boîte m'étaient revenus. Je n'avais jamais appris pourquoi Béatrice, voilà deux ans, avait renoncé à ce poste très bien payé, préférant n'être plus que secrétaire. Il me revint avoir craint quelque temps une quelconque animosité de sa part, ou une sorte de compétition malsaine. Mais non, dès le premier jour de notre collaboration, elle s'était montrée assistante compétente et dévouée, mettant toute son expérience, ses informations, à ma disposition. Sans aucune réserve.

De retour à notre table, elle était de nouveau égale à elle-même, calme et résolue. Du moins en apparence, si je ne tenais pas compte des deux verres qu'elle avala coup sur coup.

Mais vu sa maîtrise au volant, je devais me rendre à l'évidence qu'elle tenait très bien l'alcool.

Il était temps de cesser de me triturer la cervelle à propos de qui et de pourquoi alors que je ne disposais d'aucun début de piste. Et ce mutisme entêté m'agaçait plus qu'autre chose finalement. Je pris mon paquet de cigarettes, l'ouvris… vide… terminé… Je l'écrasai nerveusement et je baissai la vitre pour le balancer à l'extérieur.

- Dans le vide poche, Robert… il devrait y en avoir dans le vide-poche.

Sur un "Merci ma belle !" je me penchai en avant. A peine eus-je le temps de tendre la main que le pare-brise m'explosait au visage.

- Eh merde ! S'écriait mon aimable collaboratrice alors que j'étais projeté avec force contre le tableau de bord dans un grincement de tôles froissées.

Mais qu'est-ce que je foutais dans cette putain de ville !

Je n'étais pas redressé qu'un second impact perfora le toit de l'habitacle à quelques centimètres à peine au-dessus de ma tête. Malgré tout un passé de soldat formé à l'acceptation d'être un jour ou l'autre dans la ligne de mire d'un ennemi invisible, je n'avais pas vocation de jouer le rôle de la cible dans un vulgaire tir aux pigeons. Fut-elle de plumes ou d'argile ! Je débloquai ma portière d'un coup d'épaule, attrapai fermement le poignet de Béatrice qui ne cessait de répéter "Mais quel con ! Quel con !" et lui criai de se baisser autant que possible. Et je dus lutter pour la tirer après moi hors de sa petite voiture tout abîmée ! Les femmes sont parfois surprenantes !

En lieu de me soucier de calmer une pauvre jeune femme affolée ou en proie à une crise de nerfs, je me retrouvai aux prises d'une furie décidée à en découdre avec le premier venu ! J'eus toutes les peines du monde à l'entraîner à l'abri de véhicules en stationnement et ensuite à l'y maintenir.

- Les salauds ! Ils me l'ont bousillée ! Elle est fichue ! Fichue !
- Mais non, elle est juste un peu cabossée, allez… on se tire d'ici !
- J'ai même pas coupé le contact !
- On s'en moque, personne ne partira avec ! Allez…
- Non !
- On s'en va !
- Mon sac ! Rugit-elle en tortillant si fort son bras qu'elle m'en échappa.
- Béatrice ! Criai-je alors qu'autour de moi les badauds s'attroupaient.

Deux bonds de chatte et elle s'en revint un trousseau de clés dans une main, une lanière de cuir dans l'autre, se faufilant à quatre pattes au milieu d'une forêt de jambes.

- Vous êtes complètement folle ! Lui hurlai-je dessus aussitôt assise près de moi. Maintenant ça suffit, on fout le camp !
- Pas question !
- Ecoutez… ou bien vous me suivez, ou bien je vous laisse ici.
- Et alors ? Qu'est-ce que vous attendez ? Ce n'est pas moi qui suis visée mais vous. C'est vous qui me mettez en danger ! Et puis, de toute façon, ils sont partis !
- Partis ? Arrêtez de…
- De quoi ? Ils ont filé je vous dis ! Et je ne sais même pas pourquoi je parle au pluriel, si ça se trouve, il n'y en avait qu'un de... tueur. Et ce tueur, vous croyez qu'il pourrait faire quoi avec tout ce monde ?

Du monde ? Pour ça, il y en avait ! Tellement, qu'il me vint à l'idée que celui qui nous avait tiré dessus était peut-être noyé au milieu de tous ces individus qui nous observaient, intrigués pour quelques-uns, amusés pour d'autres. Et lorsque certains se décidèrent à s'approcher je me redressai très vite et leur assurai que tout allait très bien. Je profitai de la relative sécurité que m'offraient ces inconnus pour observer la rue qui n'avait rien perdu de son effervescence nocturne. Mais déjà nos bons samaritains se dispersaient.

- Debout ! Ordonnai-je à Béatrice, en revenant vers elle, toujours assise entre trottoir et carrosserie.
- Tout ça, c'est de votre faute ! M'accusa-t-elle en se mettant enfin debout, ignorant ma main tendue.
- D'accord ! Je vous rembourserai les frais de réparation. Et on se casse, décidai-je en reprenant son bras.
- Ok ! Répliqua-t-elle, bien campée sur ses pieds et toute résistance. Mais en voiture et pas chez moi !
- Pour ce qui est de "chez vous", il n'en est plus question, lui accordai-je dans un souci de conciliation, mais pour l'auto…
- Elle nous est indispensable, me coupa-t-elle. Du moins aussi longtemps que nous n'en trouverons pas une autre.

Une autre ? M'inquiétai-je en la fixant avec des yeux que je savais stupidement ronds. M'imaginait-elle vraiment assez fou pour en piquer une et risquer de m'enfoncer davantage dans les ennuis ?

- Nous pourrions en louer une, dès que possible. Précisa-t-elle comme lisant dans mes pensées.

Elle se dégagea de nouveau de mon emprise et fit volte face vers la Toyota. L'envie de la planter là me vint, et sans la crainte de la livrer sans défense à celui ou ceux qui semblaient être à ma poursuite, j'y aurais cédé sans scrupules. Après tout je n'avais pas besoin d'elle ! Bien au contraire.

- Bon… alors ? Vous vous décidez, oui ou non ? Me lança-t-elle déjà assise et le moteur en marche.

"Quelle emmerdeuse !" Maugréai-je entre les dents tout en la rejoignant, lui cédant pour l'instant la direction du volant et des opérations. Elle démarra doucement, et grimaça aux grincements des tôles qui se déjoignaient tout en m'honorant d'un regard accusateur. Elle effectua quelques manœuvres et soupira de soulagement en constatant que le véhicule répondait correctement.

- Ça marche, hein ? Me jeta-t-elle avec un petit sourire narquois.
- Ouais… ça a l'air… concédai-je tout en achevant d'enlever quelques éclats de verre sur la partie éclatée du pare brise.
- Bien… et maintenant, où allons-nous ?

Question judicieuse. Où ? Je pensais aux bureaux de la Stacy. Que pourrais-je y trouver qui aurait échappé aux flics ? Des dizaines de bureaux à fouiller, des milliers de dossiers à compulser. Du temps perdu. Foncer là-bas sans indice précis, équivalait pour moi à sauter sans parachute.

- Alors, Robert ?
- Roulez ! Je réfléchis.

Il me fallait un début de piste. En dépit de toute sa bonne volonté, Béatrice ne m'avait rien appris d'intéressant. Retrouver Dan devenait une priorité. Lui seul serait en mesure de m'aider. De par ses activités, il devrait lui être possible de fouiner ici et là. Un tel trafic d'héroïne et en d'aussi importantes quantités ne pouvait se faire au nez et à la barbe des gros pontes du milieu. Or je courais après Dan comme après l'invisible arlésienne. Introuvable dans Manhattan et aux abonnés absents, il ne me restait qu'un seul endroit où espérer le joindre. Par ailleurs, j'estimais salutaire de m'éloigner un tant soit peu de Harlem et de ses environs.

- Montauk Beach ! Vous connaissez ?
- Montauk ? Oui… bien sûr ! Et Philadelphie aussi !
- Euh… Quel rapport ?
- Ben je ne vois pas plus ce que nous irions faire à Montauk qu'à Philadelphie !
- Béatrice, ne me compliquez pas davantage les choses. Il est cinq heures du matin, voilà près de quarante huit heures que je n'ai pas fermé l'œil, j'ai faim, je suis fatigué… et nous allons à Montauk !
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MessageSujet: Re: Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue...   Roman policier en cours d'écriture : Une de perdue... Icon_minitimeMer 26 Mar - 3:34

CHAPITRE 06 (suite)



Là-dessus, je remontai le col de ma veste, pestant contre l'air qui s'engouffrait aux brèches du pare-brise et me fouettait méchamment le visage et les oreilles, j'inclinai légèrement le siège et m'y renfonçai, yeux à demi fermés. Rues et façades défilaient, successions d'ombres et de flashes. Quelle étrange ville. Cité du XXI siècle au luxe tapageur et aux relents de tiers monde, au métro rutilant et aux tags fluorescents, aux nets froids building d'acier et de verre et aux immeubles lépreux, aux piétons disciplinés et aux bandes de loubards. Où la tolérance côtoie la ségrégation, où le français répond parfois à un mauvais américain. Même au plus froid de l'hiver il est possible de se réchauffer au coeur de la nuit dans une boutique alors que les flics aux allures de cow-boy hantent les rues. Des quartiers mal famés où il est suicidaire de se perdre, et d'autres, à l'abri derrière leurs murs et leur propre police, dans lesquels les riches s'isolent, soucieux de préserver leurs biens. Des villes privées, des villes éventrées ou fortifiées, des villes dans la ville. Des ghettos à étoiles ! Et quelque part là-dedans, j'y avais des ennemis. Big Apple, des millions d'êtres réunis en un endroit de la planète, et où pourtant chacun est seul, face à lui-même. Et combien je me sentais seul en cet instant.

- C'est loin ! Déclara soudain mon chauffeur en bonnet jaune.
- Ouais… je sais, une bonne centaine de miles.
- Ça vous laisse le temps de dormir un peu !
- J'essaie !

Je relevai la tête et jetai un œil sur la route. Nous approchions du tunnel de Queens Midtown. Nous n'avions pas encore quitté l'île, mais une fois sur la 495, nous irions plus vite.

- Et quand nous serons là-bas ? Questionnait ma brune amie.
- J'aviserai !
- Oh… je vois ! Commenta tout bas Béatrice, en s'engageant sur la voie qui menait à la zone de péage.
- Vous voyez quoi ?
- Que vous ne voulez rien dire ! Tant pis ! Je garderai mes déductions pour Dan !
- Dan ? Vous connaissez Dan ? M'exclamai-je, la dévisageant, éberlué.
- Ben oui… Bien sûr ! Depuis que j'ai commencé à travailler à la Stacy. Comme tout le monde !
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, ça, je m'en doutais, évidemment. Mais le connaître au point de savoir qu'il a une résidence secondaire à Montauk, non, j'avoue que non.
- Fffffffff… souffla-t-elle, moqueuse. Ben voilà… moi, je le sais. Je m'étonne d'ailleurs de ne pas avoir fait le rapprochement plus tôt. Bon… Auriez-vous un peu de monnaie ?


Encore sous le coup de la surprise, je fouillai machinalement mes poches et déversai une poignée de pièces dans sa paume ouverte. Elle ralentit fortement pour se glisser entre les murets de béton qui la guidaient vers les machines. Je ne compris pas pourquoi tout à coup, elle tendit de nouveau la main vers moi me restituant les quelques dollars que je venais de lui donner et moins encore pourquoi, subitement, elle accéléra au lieu de s'arrêter, et je me redressai d'un bloc.

- La barrière, hurlai-je !
- Quelle barrière ? s'exclama-t-elle, freinant cependant et heureusement à fond.

La Toyota tous pneus hurlants partit en glissade et nous nous ratatinâmes sur nos sièges, telles deux tortues réintégrant leurs carapaces, cou dans les épaules et membres collés au corps. Après un choc violent à l'avant qui nous déporta sensiblement, nous nous arrêtâmes quelques mètres après le péage, étonnés et ravis d'être indemnes.

- Mais bon sang ! Qu'est-ce qu'il vous a pris ! criai-je aussitôt immobilisés.
- Je n'ai pas vu la barrière ! Il n'y avait pas de barrière !
- Mais oui ! La preuve, vous l'avez heurtée.

Sans même me répondre elle sortit du véhicule pour mesurer les dégâts et je la suivis. C'est solide une Toyota ! Quoique, vu l'état de l'aile suite à l'accrochage précédent, il n'en restait plus grand-chose à abîmer.

- Vous avez de la chance, laissai-je échapper. C'est du même côté !
- Ô vous !
- OK ! OK ! Bon… On repart !
- Mais non ! Il faut aller payer avant sinon nous serons bloqués à la sortie.

Admirable logique féminine ! Comme s'il n'y avait que cela ! Ce dont elle n'allait pas tarder à prendre connaissance si je me fiais à la silhouette en uniforme qui courait vers nous. J'avais bien besoin de ça ! Je me tins prudemment à l'écart pendant que Béatrice s'expliquait et communiquait les renseignements utiles à tout constat d'accident et n'intervins qu'à sa main ouverte réclamant silencieusement une participation uniquement financière. Ticket en poche, Béatrice amorça un demi tour vers moi puis, se ravisant, héla l'employé qui s'éloignait déjà.

- Une question encore, dit-elle, en désignant le péage. La barrière, elle se lève et s'abaisse ?

Au signe d'acquiescement de son interlocuteur, elle lui demanda de lui confier l'imprimé quelques instants. Ce qui souleva un nouvel échange de propos peu amènes dont elle sortit victorieuse. Elle s'appliqua à écrire quelques mots puis restitua le tout à qui de droit avec un grand sourire satisfait. Ceci fait, elle me fit signe que tout était Ok et nous nous rejoignîmes à l'intérieur de la Toyota.

- Voilà ! Nous pouvons y aller sans problème maintenant !
- Il y en avait un ?
- Non… mais j'ai quand même préféré noter noir sur blanc que leur barrière fonctionnait parfaitement. On ne sait jamais !

Ce que je ne pouvais qu'approuver… En effet, dans la vie… on ne sait jamais !

La route jusqu'à Montauk me sembla soudain très longue et promettant d'être difficile. Mais qu'y pouvais-je ? Résigné et épuisé, je fermai les yeux. Je n'avais rien de mieux à faire que somnoler… et croiser les doigts !
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